Un samedi d’Août 1914 en Vendée, les cloches du tocsin sonnent la mobilisation. Anthime le comptable d’une usine de chaussures, Charles le sous-directeur du même établissement, Padioleau le garçon-boucher, Bossis l’équarrisseur et Arcenel le bourrelier sont mobilisés. Des fenêtres du train, ils aperçoivent les premiers aéroplanes, tels des oiseaux fragiles. Blanche, la fille du directeur d’usine, va attendre le retour de Charles et d’Anthime.
Jean Echenoz réussit à ne pas s’enfouir dans les tranchées de la grande Guerre, reconnaissant avec humilité et un certain humour, tout ce qui a déjà été écrit.
«Tout cela ayant été décrit mille fois, peut-être n’est-il pas la peine de s’attarder encore sur cet opéra sordide et puant. Peut-être n’est-il d’ailleurs pas bien utile non plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra, d’autant moins quand on n’aime pas tellement l’opéra, même si comme lui c’est grandiose, emphatique, excessif, plein de longueurs pénibles, comme lui cela fait beaucoup de bruit et souvent, à la longue, c’est assez ennuyeux.»
Les saisons de la guerre et l’attente de Blanche, le contenu des havresacs des soldats, rappelant l’extraordinaire récit de Tim O’Brien (À propos de courage – The things they carried), les animaux aux destins également bouleversés, et les vies broyées de ces cinq hommes, tout est dit en à peine plus de cent pages.
L’écriture d’Echenoz, économe et fluide, offre le relâchement que permet une simplicité totale, avec des dévoilements ou des accélérations, qui percutent le lecteur comme des bombes silencieuses, et changent tout à coup toutes nos perceptions.
La grande littérature, l’air de rien.
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