J'étais partagé à propos d'Eric Vuillard, découvert il y a peu. L'ordre du jour avait été une belle découverte mais Congo une petite déception. Comme beaucoup, je lui reconnais un style et une qualité d'écriture rare, sa manière de relater certains évènements historiques avec l'élégance de ses bons mots et son cynisme mordant à l'égard des puissants est désormais sa marque de fabrique et la raison principale de mes lectures. Mais là où L'ordre du jour brillait par son approche, toute en nuance, grinçante et sarcastique des impuissances diplomatiques, Congo me semblait justement en manquer de la nuance, l'oeuvre basculant rapidement dans une satire agressive qui lui en faisait perdre de son effet.
14 juillet, publié entre les deux, me permettait donc de me faire un avis définitif et il est donc certain maintenant qu'il y avait là les prémices du futur Goncourt. L'écriture est riche, le contenu est incroyablement documenté et la plume est caustique à souhait. Eric Vuillard se veut l'écrivain du peuple et il le fait très bien. Ici le personnage est la multitude, la "populasse" de Paris incarnée par certaines fortes têtes parfois pour représenter un tout animé par la même colère et suivant de semblables instincts. Au final, c'est la logique insurrectionnelle avec ce qu'elle a de violence, de folie, d'espoir, sans grande logique mais avec passion, qui est l'essence de ce livre. En ces temps "jaunes", certains rappels comme celui-là nous rappellent inlassablement que l'Histoire aime se répéter, surtout quand les passions sont nourries par les mêmes injustices...