Etrange impression pendant la relecture de 1984, dont mes rares souvenirs dataient du collège.
Je ne remets pas en cause la qualité de la réflexion et de l'élaboration de l'univers, le soin avec lequel Orwell nous transmet certains pans de la doctrine ou du fonctionnement du régime.
J'ai, en revanche, été assez surpris par la qualité du récit en lui-même. C'est l'épisode où Winston erre dans les quartiers populaires (et finit par redécouvrir la boutique de M. Charrington) qui m'a d'abord interpellé : il a un côté "écrit au fil de la plume" qu'il est un peu compliqué d'analyser froidement mais... je dirais que 1° Orwell n'a pas préalablement préparé le lecteur à imaginer les quartiers populaires, 2° quand il se charge finalement de les lui présenter, c'est au fil d'une errance imprévue, opportuniste (c'est le chemin emprunté par Winston plus que Winston lui-même qui commande à l'action). Tout ça contribue à une impression de flottement narratif, à l'impression que rien n'était "pensé d'avance" et qu'Orwell lâche simplement son personnage en pleine nature, en attente d'une opportunité quelconque. La manière dont c'est fait m'a donné une vraie impression de premier jet, de manque de rigueur dans l'élaboration du récit.
Cette impression de lecture s'est renouvelée plus tard, lorsqu'au début de son emprisonnement Winston voit défiler dans sa cellule plusieurs de ses connaissances. Ca m'a semblé très peu crédible (statistiquement), et une manière de conclure à la hâte l'intégrité ou non de certains personnages de l'intrigue qu'on n'aurait plus l'occasion de revoir, au cours de rapides entrevues avec Winston assez peu convaincantes.
Bref, je trouve que d'un strict point de vue artisanal, 1984 n'est pas un bon roman, que c'est un roman de mauvaise facture... ce qui n'ébranle pas ses autres qualités.
Enfin je ne pensais pas m'en forger une telle opinion et je rêve que quelqu'un réponde à ma critique en me disant : "Moi aussi, j'ai pensé ça à la lecture"...