Si en toute rentrée littéraire il nous est donné à voir un phénoménal engouement pour quelques nouveaux livres, il est à remarquer que ces succès sont d'origines plurielles, et si, bien entendu, cette particulière distinction n'est pas foncièrement due aux qualités mêmes du manuscrit, elle repose, je le crois, davantage sur l'image que l'on peut s'en faire au sein de la petite société littéraire. Donc, si maints succès sont de parenté médiatique, d'autres sont bien plus de substance populaire. Ainsi, en cette rentrée 2015, nous avons eu la parfaite représentation de ce schéma : si Un Amour impossible a eu les louanges quasi-unanimes des critiques endimanchés, le livre dont j'entendais bien plus parler au sein de mon entourage était le dernier Sansal. Me méfiant donc du pédantisme obséquieux de ces premiers messieurs, j'ai préféré me tourner vers ce 2084. Malheureusement, celui-ci constitue une large déception car s'il est certainement vrai que l'on ne devrait pas même songer à les comparer, je ne peux m'empêcher de le mettre en perspective avec le chef-d'œuvre orwellien. La force de 1984 est de nous plonger dans un univers particulièrement bien pensé et décrit, tout en nous laissant imaginer un certain nombre d'éléments et en développant en parallèle une histoire palpitante, mais cela, Sansal n'y parvient pas et rate le coche de ce qui aurait pu – non, de ce qui aurait dû – être un grand roman. Plus exactement, j'ai perçu en ce livre un univers ma foi bien développé mais desservi par une écriture ronronnante et une intrigue sans grand intérêt qui aboutissent en somme à beaucoup de longs et barbants passages qui m'ont fait bien vite perdre mon enthousiasme originel pour ce que je croyais être, selon ce qu'on m'en avait dit, une verte merveille.