Un livre qui crève le coeur, mais...
... au final, plus proche de la romance intemporelle, tels Bid Time Return de Richard Matheson (joliment adapté au cinéma par Jeannot Szwarc, sous le titre "Somewhere in Time", avec Christopher Reeve dans le rôle principal) et le film La Jetée de Chris Marker, que de l'uchronie historique à laquelle l'on pouvait s'attendre et qui s'efface dans le récit, toutefois sans heurts à la lecture (à ma propre surprise, d'ailleurs). On en pardonnera d'autant plus l'absence de subversion dans la description des circonstances ayant présidé à l'assassinat de JFK, l'auteur occultant habilement l'entrevue de Lee Harvey Oswald avec ses commanditaires, dont les identités ne nous seront jamais révélées. Cruellement rappelé à l'humilité après avoir réussi sa mission (vous en doutiez ?) d'empêcher un événement historique décisif, l'enseignant Jake Epping apprendra de sa lourde erreur. La Jetée, sur le postulat similaire d'un voyageur temporel fort de son rôle lié à la destinée de ses semblables s'enamourait d'une "autochtone", démontrait que "l'expérience téméraire de la recherche de la survie dans le futur se soldera inévitablement par la mort". Ce retour vers le passé, forcément mâtiné de nostalgie et de la mélancolie si chère à l'écrivain, s'attarde sur le rêve plus prosaïque de revenir en arrière à volonté pour changer le cours des choses, supposément pour les conjurer et se convaincre qu'elles ne sont jamais arrivées. Sans prêchi-prêcha moraliste pour autant : la fatalité, annoncée dès les premières pages, et pour en hanter chacune des suivantes, n'en est pas moins traversée par des moments de grâce absolue, révélant l'immanence du beau s'affranchissant du temps impossible à rattraper pour s'ancrer à jamais dans le souvenir (du latin subvenire, « se présenter, venir au secours » ; ce qui coïncide évidemment avec les intentions du personnage).
J'ai donc pleuré comme une petite fille à la toute fin... mais chut.