40 ans de Paris, mémoires par Tempuslegendae
Comment ne pas se souvenir de certaines lectures, comme par exemple celle-ci, intégrant bien le dernier quart du XIXe siècle, touchant une fratrie que notre littérature ne saurait oublier? Je reviens sur des notes dont le contenu mêlé à l’intérêt ne demande qu’à être rafraîchi…
Ernest DAUDET, le frère aîné d’Alphonse, était écrivain, le saviez-vous? Il fut l’auteur d’une trentaine de romans, pour la plupart jamais réédités depuis sa mort.
C’est aussi Ernest qui accueille «le Petit Chose» à Paris, quand celui-ci arrive gare de Lyon, descendant du wagon de troisième classe, après deux jours de voyage, sa «petite mallette garnie de clous, avec des rapiéçures, et pesant plus que son contenu». Nous sommes en plein milieu du XIXe, Alphonse a donc 18 ans. Le grand frère emmène d’abord le petit au restaurant, car ce voyage l’a épuisé, son estomac s’est asséché. Dans «L’Arrivée», premier chapitre de l’œuvre intitulé «40 ans de Paris», Alphonse DAUDET raconte cette mémorable journée de la découverte, de fraternité retrouvée, d’ambition dévorante, qui commença par une omelette servie sur une table de marbre froid, sans nappe, mais «reluisante de propreté». Une question se pose: lequel des deux frères, lors de cet inaugural festin parisien, se promet de dévorer l’autre?
«Mon frère était riche, il remplissait les fonctions de secrétaire auprès d’un vieux monsieur qui lui dictait ses Mémoires, au prix de 75 francs par mois.»
Ernest continue la visite, se doute-t-il qu’il introduit son jeune rival de frère dans les lieux même de ses futurs triomphes: l’Odéon, l’Opéra- Comique, et le Boulevard Saint-Germain, le long duquel, comme installées dans les vitrines du très célèbre Printemps, se tiennent les célébrités littéraires, intellectuelles et politiques du moment.
«Mon frère, homme d’expérience, avait dit: "Il faut un habit quand on veut faire son chemin dans le monde!" Et le cher ami comptait beaucoup sur cette défroque pour ma gloire et mon avenir» Maintenant, on comprendra mieux pourquoi Ernest l’emmène chez le tailleur.
Ce recueil est une reconstitution autobiographique pour le moins recherchée, elle ose contourner avantageusement les incontournables, dont DAUDET raconte avec excellence la genèse dans «Histoire de mes livres». Seulement, une question se pose toujours, cruciale: quel regard Ernest a-t-il porté sur les œuvres d’Alphonse? Si quelqu’un a la réponse, je suis prêt à l’écouter…