Le principe de ce roman est à la fois ingénieux et fastidieux : le narrateur décline en quatre versions façonnées par des « et si... ? » informulés la vie de « personnages identiques mais différents » et raconte « leur histoire parallèlement ». Quatre petits Ferguson grandissent ainsi chacun de leur côté et traversent les années 50 et 60 d'un pays soumis à de grands chamboulements sociaux et sociétaux, auxquels ils assistent avec un regard renouvelé dans chaque variante.
Si les trois cents premières pages sont plaisantes parce qu'elles touchent à la jeune enfance du protagoniste quadruple, et par là dressent un portrait de famille pittoresque, les suivantes (encore au nombre de sept cents tout de même !) sont plombées par de multiples digressions souvent barbantes : des extraits de nouvelles et de romans fictifs, des résumés de films réels et des poèmes français traduits en anglais se disputent des dizaines et des dizaines de pages qu'un lecteur rendu las est vite tenté de sauter.
En outre, la période adolescente du héros, qui s'étire en fait sur plus de la moitié du bouquin, n'a pas la même saveur que celle d'avant ses treize ans ; l'éveil sexuel et l'enthousiasme littéraire deviennent assez tôt les sujets majeurs du bouquin, si bien que les scènes familiales qui m'enchantaient jusque-là passent à la trappe, et avec elles la plupart des personnages intéressants (les parents, les oncles et tantes). Il ne reste que des jeunes gens qui se bécotent sans fin, et qu'on croirait débarqués d'un roman jeunesse.