Œuvre d’imagination comme l’auteur a l’habitude d’en faire, cependant traversée en permanence par le réel.
Roman- fleuve, ou plutôt multi rivière serpentant dans l’univers de Paul Auster, écrite avec cette fluidité qu’on lui connait et une férocité, selon les propres mots de l’auteur prononcés au décours d’un entretien avec Laure Adler en 2018.
Livre monumental qu’il aurait commencé d’écrire, à l’âge de 66 ans, qui est aussi l’âge où son père mourait, alors qu’il devait disparaitre une dizaine d’années plus tard.
Le titre donne l’alpha et oméga, de 1030 pages tissées, tricotées, brodées, en moins de trois ans, dans une ‘danse et transe’, scellant 4 destins d’un même homme, fils d’immigré russe, réuni sous un même nom (Fergusson issu en yiddish de Fargessen, qui signifie oubli), le 4ème étant le narrateur.
Œuvre d’imagination comme l’auteur a l’habitude d’en faire, cependant traversée en permanence par les soubresauts d’un réel imparable, celui des Etats-Unis des décennies 50/80, où défilent les assassinats des hommes politiques, les guerres en particulier, la guerre du Vietnam, les manifestations massives, les mouvements des droits civiques, le conflit racial et l’explosion des ghettos américains, la révolte des campus, le féminisme naissant… Avec un substratum commun qui est celui de l’amour des femmes et des hommes, de celui des arts et de la culture, de l’écriture sous toutes ses formes (poésie, romans, scénarios ou critiques de cinéma), de même que du sport, base-ball et basket-ball. La géographie est spécifique également, celle de New York et de ses banlieues où Ferguson pluriel est né (Newark), où il déambulera, habitera, désertera, selon les différentes versions et mises en abymes déclinées par l’auteur et ainsi renvoyées de façon spéculaire au lecteur marathonien. Même si l’imagination est démultipliée de façon vertigineuse, dans des mises en abymes déclinées par l’auteur et ainsi renvoyées de façon spéculaire au lecteur marathonien. On se trouve à l’extrême du proverbe allemand, ‘ne pouvoir vivre qu’une vie c’est ne pas vivre du tout’, et l’on s’étourdit dans une fiction multi métaphorique, et dans un quotidien digressif et détaillé de façon clinique.Ces multiples fictions s’ancrent à une actualité médiatique contemporaine, décortiquée au long cours par un Ferguson, concentré de poète, romancier, journaliste, traducteur, plaçant cette œuvre de Paul Auster à la quintessence de la grande histoire.