Ma Rencontre - Avant de tomber un jour à la télévision sur son adaptation cinématographique - avec Anne Bancroft, Anthony Hopkins et Judy Dench, excusez du peu - je n'avais jamais entendu parler de "84 Charing Cross Road" ou de Helene Hanff. J'avais beau avoir manqué le début, j'ai immédiatement été embarquée par le charme de cette relation transatlantique faite de révérence quasi pieuse pour les livres anciens et d'une complicité amicale que vont entretenir vingt années durant une scénariste new-yorkaise désargentée, fanfaronne et attachante et un libraire quintessentiellement britannique, aussi dévoué que compétent.
Le fait que l'histoire soit vraie, tirée d'une correspondance épistolaire elle aussi bien réelle, m'a tout naturellement conduite à la redécouvrir dans sa forme originale.
De Part et d'Autre de "l'Etang" - C'est le mécanisme du contraste - de tempérament, de culture et de lieu - qui donne tout son sel à ce trucculent chapelet de missives qui, sans cela, n'aurait jamais été qu'une suite de commandes et de factures d'un ennui insondable.
Le caractère enjoué et virvoltant d'Helene répond à la réserve naturelle et au professionalisme courtois de Franck. Son style de communication américain, tonique et sans détour souligne le légendaire flegme britannique de son correspondant. Enfin, les conditions de vie de part et d'autre de "l'étang", soit l'immensité atlantique ainsi affectueusement baptisée par les Britanniques pour souligner leur proximité avec le jeune et puissant continent-état, ne saurait être plus différentes. Les Londoniens vivent encore au rythme du rationnement quand les Américains goûtent déjà à l'opulence des Trentes Glorieuses. Consciente de cette disparité, Hélène en plus d'acheter les livres dont ils font commerce, décide de faire acheminer des colis de victuailles à sa librairie préférée. Cette généreuse attention va vite la faire accéder au statut de coqueluche et avoir pour effet d'élargir la correspondance à d'autres collaborateurs et à leurs proches qui tiennent à lui faire part personnellement de leur reconnaissance.
Amitié Platonique - "84, Charing Cross Road" est aussi l'histoire d'une relation à jamais platonique. Malgré de nombreuses invitations à venir en visite à Londres, circonstances professionnelles et contraintes pécuniaires font qu'Helene et Franck, emporté brusquement par une péritonite, ne se rencontreront jamais en personne. Mais c'est tout de même les liens noués entre eux et la trace écrite qu'ils en ont laissé qui amèneront Helene à séjourner enfin à Londres, nimbée du grand succès ayant entouré la publication de son livre. Elle y rencontra l'épouse et la fille de Franck, assouvira à l'envi son anglophilie, invitée de toutes parts à dîner, à explorer monuments, lieux historiques ainsi que la campagne environnante. Le journal de ce long séjour - prenant le malicieux titre auto-décerné de "Duchesse de Bloomsbury" - complète donc très agréablement la première partie exclusivement épistolaire du récit.
Conlusion - "84 Charing Cross Road" est une bien jolie adresse qui mérite amplement qu'on la visite et qu'on s'y attarde, d'autant qu'il y a fort à parier que l'époque contemporaine sera sans doute peu prolixe en histoire de ce type. Il faut certes se méfier de l'apologie du passé car non tout n'était pas "mieux avant". Mais il est tout aussi vrai que "tout n'est pas mieux maintenant" et qu'en plus de sa qualité littéraire, la nostalgie heureuse que procure chaque page de "84 Charing Cross Road" est à ajouter aux autres bienfaits de sa lecture.
Amitiés,
Dustinette