Ce roman s’inscrit dans un genre qu’on pourrait qualifier d’anticipation altermondialiste. Il commence en 2016 par l’enlèvement et l’exécution du président de la République par Ventôse, un groupe terroriste dont les références lorgnent du côté de la Révolution française et les méthodes du côté des années de plomb. Un des membres du commando, qui se fait appeler Saint-Just, est arrêté et incarcéré durant vingt ans. Libéré en 2037, il retrouve sa fille Rosa et le meilleur ami de celle-ci, Rufus, un jeune homosexuel qui, derrière ses allures bohème, travaille pour une mystérieuse organisation clandestine dont on ne sait pas trop si elle ressort d’une action révolutionnaire ou d’une manœuvre politique sous faux drapeau. Les bouleversements s’enchaînent : attentats, scandales bancaires, altercations avec la police. Le contexte est sombre mais les sympathies de l’auteur vont à un certain idéalisme, oscillant entre humanisme « citoyen » et esprit d’insurrection. Dans une France précarisée où les injustices sociales se sont exacerbées et où la jeunesse est la première victime de la crise du logement, Rosa prend la tête d’un mouvement de protestation qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celui des Indignés et des centaines de Parisiens mécontents plantent leurs tentes devant l’Elysée.


Ce futur, en dehors de quelques évolutions technologiques (comme la multiplication des drones) et de quelques réformes politiques (disparition du FN, exclusion de la Grèce hors de l’UE, privatisation de tout et n’importe quoi) ressemble étrangement à notre présent : des marchands de légumes s’immolent par le feu comme lors des révolutions arabes, des dissidents dissertent sur le tirage au sort et le vote blanc, la crise des migrants n’est toujours pas résolue et l’argot des jeunes de banlieue n’a pas bougé d’un iota. Le récit regorge d’idées mais toutes ne parviennent pas à convaincre : cette révolte des jeunes de la classe moyenne qui pensent changer le monde en postant des vidéos sur internet et pour qui Mediapart est devenu le champion des médias subversifs (authentique !) laisse sceptique. On peine également à croire qu’un des premiers actes révolutionnaires du peuple soulevé puisse consister à briser les murs d’un camp de réfugiés pour les laisser déferler sur Paris… Mais c’est justement en cela que ce roman est intéressant, dans ce qu’il révèle des fantasmes d’une certaine gauche et des difficultés qu’elle éprouve à se projeter dans un avenir qu’elle devine inquiétant.

David_L_Epée
5
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le 3 août 2016

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