Avec Allegheny River, on découvre un état isolé, rural et où les questions environnementales se posent avec force. C’est un état comprenant de grands espaces sauvages mais très menacés. L’industrie principal a longtemps été le charbon bitumineux et les mines à ciel ouvert, encore en activités, suscitent beaucoup de débats au sein de l’État. Le rapport entre l’homme et la nature est le thème central de ce recueil.
Toute les histoires se passent en pleine nature ou dans de petits hameaux. Ici l’homme et la nature cohabitent dans un sorte de rapport d’attirance et de répulsion conjointe. La main de l’homme a déjà laissée beaucoup de traces dans le paysage et aujourd’hui certains tentent de rattraper les dégâts du passé. Mais que pèse les questions environnementales face à la précarité économique ou face aux traditions ?
Matthew Neill Null pose un regard tendre sur ses personnages. Il ne le juge pas mais se contente de les raconter. C’est le rapport de l’homme à la nature qui l’intéresse et qu’il explore au travers de ces neufs nouvelles. Ses intrigues prennent place à des époques différentes mais ont en commun ce lieu sauvage et reculé. Il décrit brillamment la nature, les remous des fleuves et les déplacements des animaux. A travers ses textes, on découvre aussi l’évolution de l’industrie au cours des siècles et les conséquences sur les populations animales de la région. Même si il n’y a pas un message militant, on ne peut que constater le comportant de prédation implacable de l’homme. Il cherche à avoir une total prise sur son environnement, quitte à changer les cours d’eau à la dynamite et à pousser une espèce à son extinction. Il nous décrit la misère humaine et animal et montre la difficulté à se raisonner ou à se remettre en cause quand on vit de si peu.
La misère sociale est un des thèmes récurant du recueil. Les paysans vivent de peu et tentent de dompter une terre sauvage et dure. Les mines sont presque toutes fermées. La chasse ou la pèche sont donc des moyens d’améliorer son quotidien et le loisir par excellence de ce coin de terre. Ces tranches de vie nous sont décrites avec une précision parfois presque journalistique mais teintée de lyrisme. Cela donne un écriture agréable et originale.
Ma nouvelle préféré est « Réserve naturelle ». C’est un texte très court dans lequel l’auteur raconte comment les actions des hommes ont des impacts sur la population d’ours. J’ai trouvé ce texte extrêmement pertinent. « Un couple » est aussi une histoire intéressante qui montre un couple de fermier vivant dans la montagne et qui entretient un rapport très particulier à la nature. L’homme est réfractaire à toutes questions de préservation de son environnement. Il est la maitre sur ses terres et entend le faire savoir à tous, hommes, plantes ou animaux. « La saison du Gauley » parle d’une tentative d’ascension sociale. Kelly essaye de profiter de l’engouement pour le rafting pour créer sa société et sortir de sa vie simple et misérable de mineur. »Télémétrie » met des chercheurs, qui étudient les déplacements des ombres, face à un père et sa fille originaire de la région. Avec subtilité l’auteur montre les préjugés que chacun portent sur l’autre et qui parasitent leur rencontre.
Un très beau recueil qui nous questionne sur notre rapport à la nature, peu importe le lieu on l’on vive.