Dans un futur proche, la Lune a été colonisée. La ville d’Artémis accueille ainsi 2000 habitants répartis dans cinq « bulles » (Armstrong, Aldrin, Conrad, Bean et Shepard) dont la vocation principale est d’exploiter les ressources naturelles de la Lune et de développer en parallèle une lucrative activité touristique. Parmi les colons, Jasmine Bashara (dite Jazz), la vingtaine, arrivée sur la Lune avec son père à l’âge de six ans, en provenance d’Arabie Saoudite. Un peu paumée, attachiante au possible, Jazz peine à joindre les deux bouts en jonglant entre son boulot de coursière et ses activités de contrebande. Et les choses ne s’arrangent pas lorsqu’elle échoue lamentablement à son examen pour devenir AEV (les personnes autorisées à sortir en dehors des bulles, notamment pour accompagner les touristes à la surface de la Lune), ce qui lui aurait permis d’améliorer considérablement son existence. Jusqu’au jour où un riche industriel lui propose d’aller saboter les « moissonneuses » lunaires de la société Sanchez Aluminium contre un million de GPD (la monnaie locale).
La suite est hélas extrêmement banale. Car si l’on met de côté le contexte lunaire qui offre évidemment quelques situations qui sortent de l’ordinaire, on reste face à une banale histoire de sabotage sur fonds de complot économique pour le contrôle des activités les plus lucratives sur la Lune. Vite lue, vite oubliée…
Et les problèmes ne s’arrêtent pas là : narration qui manque de rythme et qui peine à créer des moments de tension, Jazz en narratrice agaçante qui s’adresse parfois au lecteur comme à un ado demeuré, humour qui tombe à plat, mini-rappels scientifiques mal digérés et jetés/répétés au lecteur tout au long du livre, vulgarité occasionnelle qui n’apporte strictement rien ("Je ressemblais à une lépreuse... ou à une pute qui branlait seulement des lépreux", really? ou c'est le traducteur qui est parti en vrille ?). Sans oublier un récit truffé d’invraisemblances (ah oui, pas d’hôpital sur la Lune ? pas de police un tant soit peu organisée, même pour une communauté de 2000 habitants ? pas de système rigoureux de contrôle de l’alimentation en air respirable de la colonie ? pas de salle de contrôle dans chaque bulle ? etc…).
Il ne faut toutefois pas s’y tromper : Artémis se laisse lire sans déplaisir. Mais il n’empêche qu’on est loin du « page-turner » et qu’on l’aura assez vite oublié. En réalité, Artémis souffre du syndrome des Dents de la Mer de Peter Benchley. C’est un livre très moyen à de nombreux points de vue, mais en soi un très bon script / scénario pour un futur film, laissant entrevoir de belles potentialités à condition de lui donner un minimum de rythme et de re-dynamiser le récit en exploitant au maximum la particularité de la gravité, du paysage et de l’atmosphère lunaire. Et devinez quoi ? Une adaptation du livre est prévue en 2019 sous l’égide de la Fox et sous la direction de Phil Lord et Chris Miller (ceux-là même qui s’étaient fait débarquer par LucasFilm du tournage de Solo). Étonnant, non ?
Quant à Andy Weir lui-même, il est à craindre qu’il finisse comme Peter Benchley : l’auteur d’un coup d’éclat (The Martian -Seul sur Mars- / Jaws -Les Dents de la Mer) sublimé par un film, qui enchaîne par la suite quelques romans sans envergure…