Au secours, un ours est en train de me manger par MarianneL
Directeur de la création et de la communication dans une agence de publicité, caricature du manager-gagneur misogyne et abject, Marv Pushkin est parti avec son équipe et sa femme pour un week-end de chasse en Alaska. Après une banale panne, il se retrouve seul, coincé sous l’essieu de sa voiture en train de se faire mordre et dévorer le pied par un ours.
«Vous pensez que "vous" avez des problèmes ? Moi, je suis en train de me faire dévorer par un ours ! Oh, mais désolé, toutes mes excuses, écoutons donc vos problèmes ! Mmm-hmm ? Alors comme ça, votre patron est méchant avec vous ? Et votre voiture vous cause des soucis ? Et vous vous inquiétez pour l'environnement ? Tiens donc ! Votre environnement vient juste de me bouffer un pied ! Je "pisse mon sang" sur votre environnement. Je peux donc à présent affirmer sans crainte d'être contredit que MES PROBLÈMES SONT PIRES QUE LES VÔTRES. Alors fermez-la avec vos problèmes, OK ? Bon.»
Incarnation romanesque du «Niquons la planète» de HK et les Saltimbanks, en version américaine tendance Sarah Palin, Marc Pushkin n’aime pas la nature, et ne supporte sa vue qu’à travers les vitres épaisses de son Range Rover, enveloppé du son de son système audio surround à cinq canaux avec caissons de basses intégrés. D’ailleurs ce riche crétin narcissique n’aime personne en dehors de lui-même, si ce n’est son 4x4.
«Alaska, ta cour est un vrai bordel et les voisins s’inquiètent. Ton étendue excessive de nature incontrôlée doit être tondue et taillée. Tes forêts sont des camps d’entraînement pour des ours terroristes : nous devons les débiter en rondins. Les pistes traversant ta toundra sont pleines de dangers : nous devons les aplanir, les niveler et les paver. Tes réserves de pétrole et de gaz naturel pourraient exploser à n’importe quel moment : il est urgent que nous les épuisions.»
Ce soliloque monstrueux et loufoque de Marv, qui conserve jusqu’au bout son moral de gagneur névrotique et dopé, grâce aux antidouleurs et antidépresseurs dont ses poches sont bourrées, dresse un portrait au vitriol et très drôle de l’arrogance des nouvelles élites, qui vivent dans un monde d’abstractions et d’images et qui ont perdu tout contact avec la nature et les gens.
«Si vous étiez ici et me prêtiez une oreille attentive, vous vous demanderiez sans doute quelle sorte d’activité de renforcement de l’esprit d’équipe nous avions en vue, moi et mes abrutis de créateurs de nouvelles tendances, pour voyager si loin de noter élément naturel, c'est-à-dire nos bureaux à air conditionné du vingt-deuxième étage du célèbre Merch Building de Seattle ? Quelle expérience unique espérions-nous vivre dans un endroit pareil ?»
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