Mark Twain aura mis 8 ans à écrire ce roman. L'action se déroule dans les années 1840, vingt ans avant la guerre de Sécession. Son narrateur est donc le jeune garçon du titre, dont la langue parfois approximative sait aussi offrir de beaux moments de poésie. Twain joue habilement avec les sociolectes, puisque le récit inclut Jim, un esclave noir, et Tom Sawyer, au parler inénarrable, sans citer la foultitude de personnages rencontrés lors de ces aventures. Car le titre ne ment pas ; tout y est annoncé. Ces aventures picaresques s'enchaînent dans un style empli du meilleur humour, désopilant et irrésistible. Huck s'avère être à la fois débrouillard, voleur, menteur invétéré, et un beau personnage humaniste. La grande liberté d'action qui ne quitte pas le récit est grisante.
Mark Twain décrit également une Amérique qui semble déjà corrodée, très inégalitaire socialement ; il se sert du récit pour exprimer son abolitionnisme. La religion n'est pas non plus épargnée. Il faut souligner le très beau travail de traduction effectué par Bernard Hoepffner.
Le genre de livre que l'on quitte à regret, tellement on était bien avec.
Durant sa lecture, j'ai pensé à Alexandre Pouchkine (la fille du capitaine), à Mo Yan (La dure loi du karma), à John Kennedy Toole (La conjuration des imbéciles), à Will Self (Les grands singes), à Yannick Haenel (Tiens ferme ta couronne), à Dimitri Bortnikov (Face au Styx), à Georges-Olivier Châteaureynaud (L'autre rive), à Andrus Kivirähk (L'homme qui savait la langue des serpents), à Jean Echenoz (L'équipée malaise), à Jérôme K. Jérôme (Trois hommes dans un bateau), à Hervé Le Tellier (L'anomalie), à tous ces écrivains qui savent avec talent insuffler à leurs ouvrages de l'humour, ce qui reste somme toute assez rare dans la littérature mondiale.
« Aventures de Huckleberry Finn », intensément jubilatoire, est un grand livre.

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le 22 juil. 2021

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