Les lecteurs attentifs et bienveillants des livres de Zoyâ Pirzâd, parus jusqu'alors en français, appréciaient la prose de la romancière et nouvelliste, tout en avouant, pour la plupart, un léger manque pour être totalement emballés, comme un supplément d'âme qu'ils espéraient y trouver, en vain. Grand bonheur : C'est moins qui éteins les lumières, son tout premier roman (2001), vient enfin
d'être publié dans notre langue, et il balaie toutes les réticences, tout en restant dans la lignée de ses oeuvres précédentes (ou plutôt postérieures). Jamais Zoyâ Pirzâd n'avait composé un personnage aussi profond, sous les apparences de la banalité du quotidien, décrit d'une plume suave, ironique, d'une irrésistible finesse. Clarisse, son héroïne, est une ménagère d'origine arménienne, qui vit à Abadan, au sud-ouest de l'Iran, au sein d'une famille bourgeoise sans histoire. L'époque est indéterminée, avant la révolution islamique, pour sûr, mais quand exactement ? Années 50, 60, 70 ? Qu'importe, au fond, l'intérêt est ailleurs, dans cette description minutieuse et malicieuse d'une "housewife" qui n'est pas loin d'être désespérée, voire au bord de la crise de nerfs. C'est par petites touches gracieuses que la romancière (dé)construit Clarisse, dans un style limpide et lumineux. Le meilleur livre de Zoyâ Pirzâd, à ce jour, et de loin.