Probablement le roman le plus abouti de Patrick Cauvin, qui cumule les qualités humoristiques de "Menteur" et la dimension romanesque de "Huit jours en été".
Le héros est prof de français dans un lycée technique de banlieue, à la fin des années 70. Il s'ennuie, ses élèves ne sont pas motivés par les matières "inutiles", grisés qu'ils sont par la perspective de vite gagner leur vie ; alors que leur avenir, il le sait, passera par des usines grisâtres, des petits chefs aigris et un logement déprimant dans un des grands ensembles qui ont envahi la banlieue parisienne.
Seul l'un d'entre eux, d'une maturité inhabituelle, plus ouvert d'esprit et moins médiocre, manifeste la volonté de voir plus grand, rêve de civilisations amérindiennes et sent bien que ce monde étriqué n'est pas fait pour lui.
S'il ne peut s'évader au sens propre, il le fera au sens figuré : tentative de suicide.
Ne pouvant accepter cette fatalité qui le fera recommencer un jour ou l'autre, le prof de français décide d'organiser un voyage au Pérou, histoire d'exaucer le rêve du jeune homme.
Une fois sur place, les mésaventures se multiplient, et les deux hommes vont faire connaissance d'un père de famille désabusé par l'attitude ingrate et individualiste de ses fils. Celui-ci décide alors de les accompagner dans leur périple, avant d'être rejoints par un quatrième exclu de la vie moderne, un loser absolu, maladroit au possible mais plein de bonne volonté.
Dans cet excellent "C'était le Pérou", Cauvin fait preuve de sa sensibilité coutumière, et signe des portraits tendres et bienveillants, mais sans concession avec les faiblesses du genre humain.
On se reconnaîtra tous dans l'un ou l'autre de ces quatre aventuriers de fortune, et on vivra avec intensité ce voyage initiatique, joyeux et pessimiste à la fois.