Câblé de Walter Jon Williams, c'est un roman cyberpunk glaçant qui pourrait avoir été écrit maintenant et qui pourrait parler de Nestlé, Monsanto, Bayer, etc.
L'ambiance est effroyable. Les corporations sont dans des satellites en orbite, tous les riches se sont barrés là-bas et ils se considèrent même plus comme des terriens mais comme des "orbitaux".
La Terre, c'est le tiers-monde, elle n'est bonne qu'à être vidée de ses ressources, ils appellent ça le "caillou recouvert de boue" et les gens qui y vivent encore, c'est à dire 90% des humains, sont des sous-hommes qui n'ont pas ce qu'il faut pour réussir.
Les orbitaux font miroiter aux terreux la possibilité de travailler pour eux et d'arriver un jour à être promu et à enfin s'échapper de leur milieu social pour venir bosser dans les satellites.
Ça date de 1986 et ça pourrait être en train de parler de l'exploitation du tiers-monde actuel par les corporations, de leur mépris total de l'humanité et de l'environnement, des gens qui vendent leur âme et abandonnent toute éthique pour une chance d'échapper à la misère.
C'est un des meilleurs bouquins cyberpunk, extrêmement sous-évalué en faveur de Neuromancien de William Gibson. Hardwired c'est crasseux, c'est nerveux, c'est pas du hightech, c'est du social et de l'action. Neuromancien c'est très... abscons, c'est une toute autre ambiance.
Y'a tout un passage dans Câblé qui décrit.... le trajet d'une transaction bancaire internationale. Parce que c'était un truc de fou, d'aller à une machine, de décider "je transfère 400 dollars à cette personne en Allemagne de l'autre côté du globe" et cet argent partait de ta poche pour aller par magie dans celle de quelqu'un d'autre, simplement depuis un écran. Et tu lis ce passage et tu RESSENS ce que l'auteur a voulu exprimer. Que les frontières ça n'existait pas, que tout ça c'était du vent, qu'on étaient juste tous une grosse masse unifiée de victimes face à la classe des oppresseurs capitalistes.
Tu sens l'analyse de la mondialisation dans ce simple passage sur une impulsion électronique qui voyage de terminaux en terminaux un peu partout dans le monde, comme si c'était un petit terrain sans obstacles.
Et les orbitaux sont des pourritures indescriptibles. Auto-satisfaits, sereins dans leur privilège acheté avec le sang des gens en bas. Tranquilles dans leurs immeubles de bureau, pardon, dans leurs stations spatiales à l'air parfaitement conditionné. Ils vont dans des clubs avec des putes de luxe pendant leurs voyages d'affaires, regardent des nanas s'insérer langoureusement des trucs pendant qu'ils discutent de fusions et de rachats d'entreprises vautrés sur des canapés en cuir.
Ce bouquin est un brûlot anticapitaliste, et personne ne le connait, parce qu'en cyberpunk de l'époque, tout le monde ne parle que de Neuromancien coté bouquin, et Blade Runner coté cinéma, et qu'à sa sortie, il a été catalogué comme lecture bas du front, à l'écriture peu complexe.