Il y a quelque mois, il y a eu un moment de grâce sur le plateau de la Grande Librairie. Nous avons été plusieurs à avoir été profondément touchés par la rencontre entre le rappeur Abd Al MAlik et l'écrivain Jean-François Chen. Ce sont deux hommes venant d'horizons complétements différents mais empreints tout deux d'une profonde humanité et d'un goût pour la poésie. L’intelligence de leurs échanges et le profond respect qu'ils se vouaient l'un pour l'autre ont émus.
N'étant pas très amatrice de rap je connais peu Abd Al Malik mais il me tardai de lire son livre, Camus, où l'art de la révolte.
Dans ce court récit Abd Al MAlik explique comment la lecture de Camus lui a ouvert de nouveaux horizons. Il se trouve des points communs avec lui et par la même occasion un chemin vers la création. Adolescent, il s’identifie à lui et le prend pour modèle. Ses mots lui permettent de se construire un autre destin que celui que lui offrait le quartier. Il évoque aussi comment Albert Camus l’accompagne ensuite tout au long de sa carrière musical. En relisant ces textes il en perçoit des sens differents. L'auteur va ensuite plus loin, il interroge la notion même de création et des influences à celle-ci.
Le texte est composé du récit en lui même et de poèmes/slam faisant écho aux propos. Je dois avouer avoir été gênée par ce choix. Cela empêche le fluidité de la lecture. Certains étaient très beaux, d'autre un peu rébarbatifs à lire. J'aurais préféré qu'ils soient à la fin du livre, comme une sorte de recueil. Mais c'est un avis très personnel.
Mis à part cela, j'ai beaucoup aimé cette lecture car l'auteur avance de belles idées sur la création et sur l'influence que peuvent avoir des artistes sur nous. On en apprend pas beaucoup sur Camus, mais plutôt sur la façon dont son écriture a pu inspirer l'auteur. A partir de son exemple, Abd Al Malik expose sa vision de l'art. Il a fait sienne la totale liberté de Camus et invite à en faire de même. Il parle de la révolte et de l'amour inhérente à son œuvre, deux valeurs importantes à ces yeux.
Il insiste sur la nécessité d'enseigner les arts pour permettre à tous de transcender leurs déterminismes sociaux. Pour lui, nous manquons de figures tutrices, à l'image de ce qu'est Albert Camus pour lui. C'est une idée que je partage complétement et je trouve cela intéressant qu'elle soit avancée par un auteur de rap. Rendre la culture accessible ce n'est pas la brader mais permettre à chacun de s'élever grâce à elle.
Le texte se termine par une "Lettre à Albert Camus" écrite à la manière d'un texte de slam. On retrouve d’ailleurs tout au long du récit le rythme propre à cette musique ainsi qu'un certain sens de la formule. On sent son goût des mots et de la poésie.
Cette lecture m'a fait du bien car elle brasse avec force des idées auxquelles je crois. Oui, nous avons grand besoin d’icônes intellectuelles ! Et moi j'ai besoin de lire Albert Camus que je connais finalement peu.