Les Mésaventures de Monsieur K.

La couverture le dit, ce livre est un conte: pas un ouvrage d'historien ni un roman, mais quelque chose d'autre, le récit d'un enchantement qui n'a finalement pas marché. Le but affiché de l'économie centralisée soviétique était d'arracher l'humanité (à commencer par l'URSS) à la misère et la pénurie, pour la faire entrer dans le royaume magique de l'abondance pour tous. La production devait sans cesse augmenter, la planification devait devenir sans cesse plus rationnelle, pour qu'enfin la promesse de Karl Marx puisse être tenue, et que le monde atteigne l'utopie communiste où chacun peut faire ce qu'il veut car tous ses besoins sont satisfaits.


La narration mélange personnages réels et fictifs, avance et recule dans la chronologie, pour mieux faire comprendre au lecteur comment, sous le règne du camarade Khrouchtchev, l'économie soviétique a tenté d'améliorer la vie des citoyens ordinaires et de dépasser en niveau de vie le monde capitaliste... et a finalement échoué, pour se contenter d'une stagnation confortable en attendant l'effondrement inévitable. Des bureaux du Gosplan à Moscou jusqu'à la cité scientifique d'Akademgorodok cachée au fin fond de la Sibérie, toute une génération de technocrates, de scientifiques et de visionnaires a tenté de rendre réelle la propagande du régime, pendant que les apparatchiks et autres rentiers du système cherchaient au contraire à pérenniser leurs privilèges.


Francis Spufford nous fait toucher du doigt la contradiction entre le rêve et la réalité, entre l'ambition et la mesquinerie, et fait s'achever son récit comme un conte du folklore russe: finalement, tout disparut et ne resta que les bottes du voyageur. C'est la chute finale, pour ainsi dire.

CaoCao
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le 24 oct. 2018

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