Le roman choral, on connaît ça par cœur. Une poignée de personnages, dispersés sur le globe, qui entretiennent ou non des liens, et qui, au bout d’un chemin semé de focalisations multiples et de petites et grandes émotions, se tomberont dans les bras ou continueront leur route indifférents. Ici ils s’appellent Tom, Dorris (ces deux-là se fuient après s’être aimés), Magda, Stan (ces deux-là affrontent ensemble, mais c’est difficile, l’épreuve de la maladie), Ahmad, Rita (lui a traversé quelques frontières en enjambant des barbelés ou en empruntant des bateaux de fortune, elle, hôtesse de l’air, les franchit d’un saut de puce)…
Mais qu’importe ce qu’ils charrient de passé et de sentiments : Christine Montalbetti sait bien qu’on nous a déjà fait le coup des âmes cabossées réunies par le hasard, alors, à sa manière toujours précieuse et avenante, elle s’efforce de nous montrer l’envers du décor, et multiplie comme à son habitude les adresses au lecteur et les parenthèses pour nous ouvrir les coulisses de ce petit roman commencé à l’aube de la pandémie et comme ébranlé par celle-ci. Pas de quoi faire de Ce que c’est qu’une existence, en dépit de sa douce langueur et de sa façon de parler en passant, presque en s’en excusant, du temps qui passe et de notre responsabilité partagée du devenir des autres, un roman à la hauteur de L’origine de l’homme ou Mon ancêtre poisson : la forme un peu mièvre du roman choral, sa mécanique toujours un peu scolaire, sont un brin encombrantes. Mais l’écriture tremblée de Christine Montalbetti reste de celles qui me charment à tous les coups, tout comme sa façon pudique de construire de petites boîtes romanesques pour y dire et y enfouir, bien loin de la surface (ici vers la page 340), ses propres chagrins.