Anna Crawford est professeur d'anglais au lycée de Seldom Falls, en Pennsylvanie. Elle vient d'être virée pour insubordination quand une fusillade éclate dans l'établissement. Le tueur fait 19 morts et 45 blessés. Anna est un temps suspectée d'être complice et même si elle est rapidement innocentée le mal et fait. Elle nous raconte l'année qui suit la tuerie et comment la ville est prise de folie sécuritaire. En réaction au traumatisme, des lois absurdes sont proposées prônant toujours plus d'armes et de virilisme.
L’héroïne est une femme désabusée qui pose sur le monde un regard plein de cynisme. Elle raconte toutes les manières qu'ont ses concitoyens pour réagir à ce drame. Entre les survivalismes, une secte et une tentative de création de milice, la ville est en ébullition. Les journalistes se repaissent du drame et traquent le scoop, l'interview exclusive. Anna nie sa propre souffrance et se laisse embarquer dans cette folie. Malgré les conseils de son petit ami et de son frère, elle se rapproche de tout les illuminés pour mieux trouver un exutoire. Mais son cynisme l’empêche de réellement trouver sa place.
A travers ce roman, c’est une critique acerbe de la culture des armes et des dérives sécuritaires que nous offre l'auteur. Il y a aussi un message féministe fort sous-jacent. L'auteur pointe les dégâts crées par la société patriarcal avec une grande justesse. Anna, comme toutes les femmes, subit des injonctions puissantes et contre lesquels elle tente de lutter. L'auteur montre cela avec beaucoup de force et j'ai été assez agréablement surprise que ce soit un homme qui porte ce genre de discourt. Il y a plusieurs phrases assassines (et que j'ai trouvé extrêmement drôle) sur la manière dont se comportent certains hommes. Il montre aussi comment les hommes se sentent propriétaire du corps des femmes et comment le poids de leurs regards pèsent lourd sur elles. Ton McAllister a un regard très critique mais très fin sur une société malade de virilisme et de peur.
Les hommes veulent qu'on les récompense d'éprouver des émotions. Ils croient que c'est un exploit d'avoir des pensées sincères et d'éprouver de la tristesse.
L'auteur aborde aussi la manière dont les médias traitent l'information. Ils montrent comment la course en sensationnaliste crée des dégâts. Cela est fait avec ironie et cynisme de nouveau et c'est d'une efficacité redoutable. Progressivement, au moyen de mensonges ou d'informations tronquées, la paranoïa s'installe et un climat délétère règne. Un drame est une éventement qui permet de manipuler et d'angoisser facilement la population. Pour de l’audience, les médias sont prêt à tout. Anna en fait les frais mais la mère du tueur encore plus. On voit comment elle est sommée de s'expliquer et de s’excuser pour des actes qu'elle n'a pas commis, pour un drame qui la touche avec un violence inouï. La vie des victimes est aussi passée au scanner médiatique. Une hiérarchie de l’horreur s'installe entre les bonnes et les mauvaises victimes. La satyre sert vraiment le propos et nous pousse à réfléchir notre rapport à l'actualité, à l'information.
Quand mes parents étaient jeunes il y avait les journaux, la radio et la télé, mais il n'était pas possible d'y accéder à tout moment et en toutes circonstances. On pouvait se faire une vison cohérente du monde, mais également s'en détacher si nécessaire. Désormais, je pouvais regarder à toute heure la chaine d'info progressiste ou la chaines d'info centriste. Tous me disaient que nous étions perdus mais pour des raisons différentes.
J'ai dévoré ce livre en une journée, séduite par la plume de l'auteur et par la manière dont il aborde des sujets aussi graves. Plusieurs fois j'ai ri, plusieurs fois je me suis sentie comprise dans mon expérience de femme. Même si le roman traite d'un problème vécu aux États-Unis, le machisme n'a pas de frontière et les médias français prennent de plus en plus modèle sur leurs homologues d'outre-atlantique. Les critiques ont donc un échos aussi chez nous. La leçon qu'on pourrait tirer de cette lecture serait de faire plus souvent appelle à sa raison, de souffler et de prendre le temps d'analyser les choses plus finement. La peur et la panique sont bien mauvaise conseillère.
Il s'agit du premier roman publié en France de cet auteur et je vais guetter avec attention de potentielles futurs publications car je suis très friande de son style et de son propos.
La valeur de votre vie est directement proportionnelle au nombre de publicités qu'on peut diffuser avant la vidéo de votre assassinat.