Tendre, authentique et mélancolique, cette autobiographie dictée à Lionel Duroy permet de mieux saisir la psychologie de Renaud et de comprendre ce qui l'a poussé à vivre caché depuis une petite vingtaine d'années.


Comme il l'a souvent dit, Renaud a du mal avec la vie et il ne s'est jamais remis de son enfance ("J'ai eu dix ans, je ne les ai plus et je n'en reviens pas"). Idéaliste et profondément humaniste, il a été stupéfait d'apprendre à 18 ans que son père et son grand-père avaient collaboré de loin avec l'Allemagne nazie, et toute sa vie durant, il n'a cessé de se replonger encore et encore dans l'enfance et l'adolescence, périodes d'insouciance s'il en est. C'est qu'à l'époque, tout allait bien : il n'en foutait pas une en classe, il avait du succès avec les filles, et il croyait encore naïvement qu'on pouvait changer le monde en étant solidaire et fraternel.


La vie lui a appris que ce n'était pas si simple, que le succès ne faisait pas le bonheur, et certainement pas celui de son père vénéré ("Je n'en peux plus, le succès de mon fils me tue"). L'histoire de Renaud, c'est un tiraillement entre deux familles, l'une bourgeoise (les Séchan), et l'autre ouvrière (les Mériaux). Dans ce livre, le loubard des beaux quartiers parle beaucoup de son père Olivier (écrivain) et de son grand-père Oscar (mineur du Pas-de-Calais), quitte à parfois se répéter.


De 1952 à 2016, Renaud retrace donc chronologiquement les évènements, aussi bien privés et publics, qui ont jalonné son existence. Faussement modeste, il semble certain de son talent, quitte à parler d'inspiration divine, et il n'hésite pas à insérer les textes de dizaines de chansons pour mieux expliquer quel était son état d'esprit à telle ou telle époque de sa vie. Si le procédé peut se comprendre, ça n'en reste pas moins du remplissage dans une biographie déjà relativement courte.


Les passages les plus troublants et inquiétants sont évidemment relatifs à ses années anisées. Ses délires paranoïaques ont commencé en 1985, lors du fameux concert de Moscou, mais à partir de 1997 et de son voyage à Cuba, cela devient sacrément flippant. C'est que Renaud voit des agents du KGB partout, et si vous croyiez naïvement que c'était de l'histoire ancienne, vous vous mettez le doigt dans l'œil, puisqu'il avoue qu'il était encore sujet à ces crises de paranoïa aigüe en 2015. Bref, il n'est pas encore sorti d'affaire, et le pire, c'est qu'il en est conscient.


L'autre moment difficile à lire concerne sa longue période de beuverie quotidienne à la Closerie des Lilas. Le Renard nous propose un texte extrait de son journal intime où il y détaille une journée type, et se dire qu'il s'est complu des années durant dans cette macabre routine malgré le support des siens fait froid dans le dos.


Si elle est facile et agréable à lire, cette autobiographie est également frustrante, car à partir de la mort de Coluche, il ne fait que survoler les choses. Une vie si atypique méritait quelques centaines de pages supplémentaires, et j'aurais par exemple aimé qu'il nous parle de ses crises de delirium tremens, ou de sa prétendue sobriété à l'époque de Boucan d'enfer. Mais j'imagine qu'il fallait absolument que ce livre sorte en même temps que son disque, et que le temps par conséquent pressait. Malgré tout, je vous recommande sa lecture, que vous soyez fan ou non : ce n'est pas tous les jours qu'un artiste majeur se livre avec tant d'honnêteté.

chtimixeur
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le 17 août 2016

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