Il s'agit d'un travail érigé dans le cadre du cours Histoire et Théorie du Scénario, pour Mr. Maltais à l'Université de Montréal. Ce dernier consiste en un compte rendu d'un manuel de scénario (au choix) afin d'en établir l'utilité.
Construire un récit de Yves Lavandier est un manuel de scénario ayant pour but de donner plusieurs méthodes narratives afin d’aider tout type de scénariste, autant pour le cinéma que pour le théâtre. Publié en 2011, le manuel cible autant le scénariste vétéran que l’étudiant débutant en cinéma. Il s’agit d’un manuel inclusif, intégrant même un lexique afin d’aider les plus novices. Yves Lavandier fait référence à plusieurs de ces autres ouvrages, publié sous son propre label, Le Clown et l’enfant. Les manuels cités sont La dramaturgie et Evaluer un récit, sortie la même année, et auxquels l’auteur réfère souvent le lecteur pour que ce dernier puisse approfondir certains traits exposés dans Construire un récit. Le manuel étudié est principalement une extension des propos établis dans le roman La dramaturgie, permettant ainsi de se focaliser sur un seul objectif : comment écrire un bon récit ? L’édition de 2011 contient 170 pages. Celle de 2016, 220 pages. Nous nous contentons ici de celle de 2011.
Yves Lavandier est à l’origine un auteur dramatique. Il a notamment réalisé quelques films comme Oui, mais… (2001) avec Emilie Dequenne et Gérard Jugnot. Il est aussi script doctor, et anime de nombreux ateliers d’écritures. Il a fait ses études à l’université de Columbia, et eu comme professeur Milos Forman, Stefan Sharff ou encore Frantisek Daniel. L’expérience de Lavandier se fait ressentir à travers chaque exemple, notamment par ses propres textes, comme le scénario de Culbuto. Yves Lavandier est habitué à relire et proposer diverses idées pour des centaines de scénarios, et le manuel qu’il nous propose ne fait que découler de cette expérience. De plus, étant à la fois l’auteur et l’éditeur, Yves Lavandier ne se retrouve aucunement limité dans l’écriture de ce manuel.
Le livre est structuré en 11 chapitres cherchant à décrypter la conception d’un récit étape par étape. On passe par le pitch, le scène-à-scène et la continuité dialogué. Certains chapitres comme « Le sens » ou « Ecritures spécifiques » cherchent à établir des formes de parenthèse pour pousser le lecteur à réfléchir à certains aspects de son récit, ses intentions. Bien que Lavandier ait placé une forme de chronologie, il invite son lecteur à revenir sur certaines étapes à tout moment de la conception de leur récit. Les deux derniers chapitres viennent appuyer sur différentes notions que Yves Lavandier n’a eu le temps de développer durant les parties précédentes. Il s’agit principalement de recommandation, de chose à éviter, voire de gamme à performer pour s’entrainer. On y retrouve ici toute la subjectivité de l’auteur, qui vient révéler ce qui se montre convaincant ou non pour le spectateur d’aujourd’hui, selon son avis et son expérience. Yves Lavandier écrit très franchement ce qu’il pense de différents scénarios ou procédés, inscrivant plusieurs sous-titre choc comme « Soyez impitoyable avec vous-même » afin d’expliciter la dur tâche de l’écriture. La sous-partie « Je vous en supplie » viens souligner rapidement des éléments que l’auteur nous conjure d’éviter, n’utilisant à chaque fois qu’une seule phrase pour chaque point à éviter, ce qui donne un aspect très comique au narrateur. Lavandier devient comme un mentor amical au fil des lectures, en précisant bien à chaque fois qu’il s’agit de « son avis », rendant le manuel moins froid qu’il n’aurait pu l’être. Les nombreuses références, souvent assez populaire, viennent renforcer l’intérêt durant la lecture, et par la même occasion, la compréhension des idées formulé. Chaque étape, Lavandier les retranscrit avec son propre vécu, ses propres expériences sur le sujet, ce qui renforce l’apprentissage. Il utilise notamment de nombreuses citations de réalisateurs ou dramaturge au début de chaque chapitre, permettant d’illustrer son propos par d’autres voix. La bibliographie en est donc d’autant plus importante.
La préface de l’auteur vient directement déposer la thèse de l’auteur. Lavandier cite le journaliste Red Smith et sa métaphore sur l’écriture de récit, comparé à l’acte de « s’ouvrir les veines ». La thèse de Lavandier est de venir aider le lecteur à canaliser ces « giclées de sang » grâce à plusieurs angles d’approches. Mais il précise bien qu’il s’agit que de son point de vue, et que le lecteur doit rester autonome, choisissant ou non de suivre certains points exposés, tout en acceptant les conséquences détaillées par l’auteur dans son livre. L’un des points fondamentaux évoqué par Yves Lavandier est le besoin du rapport entre objectif et obstacle. Un récit a besoin de conflit pour pouvoir maintenir le spectateur et développer une histoire. Un protagoniste doit suivre un but et se retrouver maintes fois exposés à des problèmes. La structure chronologique du manuel vient mettre en évidence ce besoin. A chaque étape, l’écriture devient de plus en plus précise, s’attaquant à des segments de plus en plus courts. Pour éviter le remplissage, Lavandier fait appel au conflit localisé au sein d’une scène uniquement. Une scène doit posséder son propre conflit qui se règle dans cette même scène, sans pour autant empiéter sur l’histoire principal. Yves Lavandier insiste aussi sur une forme de vraisemblance propre au médium cinématographique. Il ne s’agit pas de retranscrire la vraie vie, mais de la manipuler afin de la rendre cohérente pour le spectateur. Qu’il s’agisse du conflit ou de la vraisemblance, l’auteur ne cesse de nous rabâcher ces points là tout en nous disant de ne point en abuser, ce qui peut vite devenir confus. Un protagoniste vivant bien trop de péripétie devient vite invraisemblable. C’est pour cela que l’auteur insiste aussi sur la réécriture.
Par instant, Yves Lavandier se concentre sur un genre cinématographique en particulier. Il est souvent question de la comédie dans lequel il propose au lecteur de noter différentes idées de « blagues » sans les ajouter directement dans la continuité dialoguée. Il faut d’abord écrire le récit dans lequel l’humour va s’accrocher au fur et à mesure. Parmi les trois exemples souvent réutilisé, Yves Lavandier fait part de l’un de ses scénarios en cours d’écriture, Culbuto. S’agissant d’une comédie, on découvre l’avancer de l’œuvre à chaque chapitre amenant le développement de l’écriture, et l'humour au fur et à mesure. Il en est de même pour le scénario de Couple Témoin et 11ième homme, deux œuvres écrits par Corinne Klomp pour le premier et Didier Ernotte pour le second. Ces trois exemples accompagnent l’ouvrage afin de voir le développement de chaque histoire, du pitch jusqu’à l’approfondissement des scènes du première acte. Lavandier insiste sur le fait qu’il s’agisse de versions finales, et qui mériterait parfois encore certaines réécritures. Car il faut du temps pour écrire, et c’est sur quoi l’auteur insiste au cours de son manuel. Lavandier utilise aussi beaucoup d’exemple venant du théâtre. Shakespeare, Molière, il présente ainsi des auteurs historiques, analysant leur récit et prouvant que l’on peut en apprendre beaucoup, même pour le cinéma.
A la fin de son manuel, Yves Lavandier termine par des « gammes ». Il propose au lecteur de s’entraîner car il est conscient que seul, ce manuel ne pourra pas aider à canaliser toutes les pensées d’un écrivain novice, et même initié. Il traite notamment du syndrome de la page blanche, ainsi que d’autres états par lequel l’auteur peut passer, donnant plusieurs solutions qui lui sont familière. Yves Lavandier prend en compte que ses explications, ses conseils ne pourront pas tous être acquis en une lecture par le lecteur. Il invite donc ce dernier à lire et relire, se renseigner, et surtout s’entraîner. Grâce à ces ajouts, l’auteur parvient à faire la démonstration de sa thèse, à montrer comment « canaliser » pour construire un bon récit. Le manuel n’est en soit qu’un petit coup de pouce pour le lecteur qui doit savoir rester autonome et utiliser dans ce manuel ce qui lui semble important.
Yves Lavandier le précise dès sa préface : le lecteur se doit de rester autonome. Le manuel délivre un certain nombre d’idée qu’il s’agit de s’approprier ou non, comme une boîte à outils. Le lecteur doit se servir uniquement des techniques qui lui paraisse important pour son récit. Tout de même, il est intéressant de voir comment Lavandier propose aux auteurs d’éviter les "deus ex machina" ou tout autre forme de facilité scénaristique. Il est donc tout autant important de retenir ce qui nous intéresse, ce qui nous semble utile pour nos futurs écrits, que certains conseils parfois purement subjectifs de la part de l’auteur. Il s’agit d’un point de vue aussi important à prendre en compte que celui de nos futurs spectateurs. Quant aux autres éléments qui nous paraisse moins important (à titre personnel), il faut tout de même en avoir conscience, les mettre en relation avec nos écrits pour savoir si cela est bénéfique de les enlever ou non. Une fois réfléchi, il est possible de les abandonner, car trop en mettre deviendrait rapidement incohérent. Durant la lecture, le thème du conflit revient assez souvent au point où l’on se demande si une œuvre a forcément besoin d’être relié au concept d’objectif/obstacle. Yves Lavandier ne fait que recommander son usage, mais surtout, il nous présente ce qui marche selon lui auprès du public. Le fait de tourner autour de certains éléments très précis, mais de ne pas parler d’autres structures que celle en 3 actes, du thème du conflit, donne finalement une vision unique de l’écriture du scénario. Il s’agit donc d’aller lire Mckee ou Vogler pour avoir d’autres visions, d’autres structures, et ne pas rester enfermé sur la vision unique de Lavandier.
Le manuel Construire un récit de Yves Lavandier mérite d’être lu par toute personne en quête d’aide ou d’apprentissage à propos du scénario. Suffisamment court et pourtant bien rempli, l’ouvrage a le mérite d’être écrit par un scénariste renommé qui nous transmet sa vision avec beaucoup de bonne volonté. Et en présentant son ouvrage non comme l’œuvre qui permettra à tout le monde de savoir écrire de grands récits, mais comme une aide, un tremplin, une boîte à outils, il appuie bien sur le fait que cet apprentissage est un travail qui se fait à deux, entre l’auteur et le lecteur. En parcourant l’ensemble des étapes de l’écriture de scénario, ainsi qu’en ajoutant de nombreux points sur des aspects à éviter, à réfléchir, avec de nombreux exemples, considéré comme des succès ou des échecs, le manuel se trouve être d’un réel intérêt. Il n’est pas dit qu’il marchera sur tout le monde, mais si l’on prend le temps de l’étudier, le texte peut réellement nous apprendre à canaliser nos pensées pour construire un récit.