Houaooou ! ! ! Quel bouquin, mes amis ! Quel bouquin ! Ici, pas question de Coup de Cœur, il s’agirait plutôt d’un Coup de Tête… Mais attention ! À ne pas mettre entre toutes les mains : si vous êtes un inconditionnel de “l’Amérique” des “Américains” et du “Rêve américain” ce livre n’est pas pour vous. Nul doute que vous le trouveriez tendancieux et de mauvaise foi !
Mais si, comme moi (avant d’avoir lu ces pages), votre avis sur les États-Unis et ses habitants est partagé entre une certaine admiration et un peu d’antipathie voire parfois de l’agacement sans trop savoir pourquoi, je vous encourage à lire ce livre, écrit par une historienne native du pays. Ce n’est pas un roman mais une sorte de document qui retrace, pas à pas la création, l’édification de cet immense pays que sont les États-Unis d’Amérique, du point de vue des indigènes. Sans style littéraire, ni fioritures de forme. C’est parfois un peu lourd et répétitif pour ne pas dire fastidieux.


Roxanne Dunbar-Ortiz est née en 1939 à San Antonio au Texas. C’est une historienne états-unienne, écrivain et féministe. Son père, Ecossais-Irlandais avait épousé sa mère (dont le père était irlandais et la mère indienne, semble-t-il). Elle grandit au sein de communautés rurales indiennes. En 1960 elle militait dans des mouvements de droits civiques, contre l’apartheid, contre la guerre du Vietnam, dans le mouvement de libération des femmes…


Dès que j’entreprends d’écrire un papier sur ce livre, je me rends immédiatement compte que vais devoir laisser fréquemment la parole à l’auteure. Ce billet n’est pas une “critique”. Qui prétendrais-je être pour écrire une critique de ce livre ? Quel est mon expertise pour pouvoir le faire ? Ce n’est pas, non plus, un commentaire. Mon ambition est de vous donner un aperçu et quelques éléments qui vous donneront, peut-être, envie d’en découvrir davantage en lisant cet ouvrage d’une importance considérable pour mieux comprendre la marche du Monde.


Tout d’abord, un rappel, comment débute toute cette histoire ? Pour nous, tout commence par une erreur, lorsque Christophe Colomb “découvre” des terres inconnues en 1492 alors qu’il cherchait une nouvelle route pour atteindre les Indes.
« En 1982, le gouvernement espagnol et le Saint-Siège proposèrent qu’en 1992 les Nations Unies commémorent la “rencontre” entre l’Europe et les peuples des Amériques, au cours de laquelle les Européens étaient censés avoir offert aux indigènes la civilisation et le christianisme […] À la surprise générale des représentants européens et nord-américains, la délégation africaine tout entière quitta l’assemblée en signe de protestation. Les Africains condamnèrent fermement cette célébration du colonialisme au sein de l’ONU, une institution qui avait précisément été créée pour y mettre fin. »

Nous voici plongé au cœur du sujet !
Il s’agit bel et bien de l’expansionnisme et du colonialisme européen, vieux de plus de 5 siècles : « Du milieu du 15e siècle au milieu du 20e siècle, la plupart des terres non-européennes furent colonisées sous couvert de la Doctrine de la Découverte […] La Doctrine de la Découverte a pour origine une bulle papale de 1445 qui autorisa la monarchie portugaise à s’emparer de l’Afrique de l’Ouest. Après le voyage d’exploration de Christophe Colomb en 1492, une autre bulle papale donna une permission similaire à l’Espagne. » Ces bulles encycliques papales octroyèrent aux nations européennes la propriété des terres qu’elles avaient “découvertes” de sorte que les indigènes qui y vivaient perdirent leur droit naturel à la terre. Très pratique un Pape (Alexandre VI) qui fait des bulles : « En 1792, peu après la création des États-Unis, le secrétaire d’État Thomas Jefferson déclara que la Doctrine de la Découverte, développée par les États européens, était une loi internationale qui s’appliquait aussi au gouvernement des États-Unis. » Rappel : lors de la création des États-Unis, le pays ne comptait que 13 États répartis le long de la côte atlantique, il restait encore près de 90 % du territoire à “découvrir” !


Alors comment cela s’est-il passé ?

Mais au fait, est-on sûr qu’il y avait des indigènes, sur place, quand les colons sont arrivés ? Oui, bien évidemment, même si « selon un consensus actuel entre les historiens, le transfert général de terres des indigènes aux colons euro-américains après 1492 fut moins le résultat de l’invasion, des guerres et de l’avidité européennes que des bactéries des envahisseurs, qu’ils transportaient sans le vouloir. »
En fait, « l’histoire des États-Unis est l’histoire d’une colonisation de peuplement, marquée par la création d’un État fondé sur le suprématisme blanc, sur la pratique généralisée de l’esclavage, sur le génocide et le vol de terres. »
Mais il est vrai que les autochtones n’étaient pas tout à fait des hommes : les Anglais, qui n’en étaient pas à leur coup d’essai, avaient découvert ce détail lors de l’invasion de l’Irlande du Nord au début du 17e siècle : « Les Irlandais sous administration britannique seront regardés comme biologiquement inférieurs jusqu’au 20e siècle. Au milieu du 19e siècle, sous l’influence du darwinisme social, des savants anglais propagèrent l’idée que les Irlandais (et tous les peuples de couleur) descendaient du singe, tandis que les Anglais descendaient de “l’homme” qui avait été créé par Dieu “à son image”. Les Anglais étaient donc des “anges” et les Irlandais (et autres peuples colonisés) appartenaient à une espèce inférieure, que les suprématistes blancs états-uniens et autres identitaires chrétiens nomment aujourd’hui les “peuples de la boue” (mud people). » Maintenant, je ne m’étonne plus de la prolifération des créationnistes aux États-Unis !
Et donc, tout une bonne partie de cet ouvrage est consacrée à l’expansion, la colonisation de peuplement et les méthodes employées, assassinats, massacres, spoliations, la fameuse conquête de l’Ouest revue et corrigée. Et comme la main d’œuvre est insuffisante pour mettre en valeur toutes ces nouvelles terres fraichement “découvertes”, on en fait venir d’Afrique. Et comme ces africains se rebellent ou s’enfuient, on utilise des milices « Les milices des États devinrent plus tard des “patrouilles d’esclaves”, utilisées pour discipliner les esclaves et capturer les fugitifs. Le deuxième amendement, ratifié en 1791, inscrit dans la loi ces troupes irrégulières : “Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit qu’à le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé.” La signification persistante de cette “liberté” révèle les racines culturelles coloniales des États-Unis. »
Une puissance coloniale, les États-Unis ? Allons donc ! Pour s’en convaincre il nous suffit d’écouter le Président Barack Obama sur la chaîne panarabe Al Arabiya en 2009 […] « Nous commettons parfois des erreurs. Nous n’avons pas été parfaits. Mais si vous regardez notre histoire, vous verrez que l’Amérique n’est pas née comme une puissance coloniale. » Pas mal comme déni, mais était-il vraiment sincère en disant cela ou était-ce purement politique ? j’aimerais le croire…
Comment l’États-unien moyen peut-il accepter son passé ? Dans le déni de la réalité.
Il est tellement plus confortable de s’en remettre au « récit conventionnel de l’histoire des États-Unis [qui] fait systématiquement des “guerres indiennes” une sous-espèce de la catégorie douteuse qu’est “l’Ouest”. Et puis il y a les westerns, les romans de gares, les films et les séries télévisées que presque chaque États-unien a tétés avec le lait de sa mère. […] L’architecture de la domination du monde par les États-Unis fut conçue et testée pendant la période du militarisme continental au 19e siècle […] Le début du 21e siècle vit exploser sur la scène mondiale une nouvelle forme de militarisme et d’impérialisme des États-Unis, encore plus éhontée, [lors de] l’élection de George W. Bush […] les forces spéciales des États-Unis furent déployées dans le monde entier, et ce modèle se prolongea après l’élection de Barack Obama. »
Pour que la société états-unienne cesse de se mentir à elle-même, accepte sa propre responsabilité et son passé, l’historien Juan Gómez-Quiñones écrit que « les patrimoines ancestraux indigènes devraient faire partie des programmes scolaires, des matières enseignées et analysées à l’université. » Les peuples et communautés indigènes souhaitent être reconnus, siéger à l’ONU en tant que nations, exister sur leur sol ancestral « Ce processus commence par le respect dû aux traités conclus par les États-Unis avec les nations indigènes […] Cet avenir, si nous voulons qu’il advienne, requiert d’importants programmes éducatifs… »

Philou33
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le 5 août 2018

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