Reporter de guerre, et conjointe de Jean-jacques Bourdin (ce qu'elle rappelle elle-même dès l'introduction qui explique sa démarche et la logique de recherche, entre le journalisme et l'enquête sociologique, Anne Nivat décide d'aller voir dans quelques villes, sur une thématique qu'elle s'impose (1 par ville, mais toutes substituables finalement), comment se passe la vie en France, hors des grandes villes et de la capitale mais, malgré tout, dans le tissu urbain des grandes communes de Province.
Une phrase résume ainsi, dès les premières pages, l'objet de son travail, avec la vision de base d'abord "N'étions-nous pas trop gâtés, nous, Français, au regard de ce qui se passait sur ces terrains de guerre auxquels j'avais consacré tous mes livres précédents ? Là où je me rendais depuis près de vingt ans,la guerre sévissait et personne ne s'ennuyait. Était-ce si lassant de vivre en France ?". Puis, rapidement, dès l'introduction, arrive déjà la première conclusion de son travail : "Revenant de pays dévastés où, me levant le matin, je ne savais pas ou je dormirais le soir, où une insécurité démesurée, mâtinée de violence totale était devenue la norme des rapports humains, je revenais en France, ce pays stable et paisible, pour y constater avec effroi qu'ici aussi on allait mal".
Si l'on peut reprocher le ton parfois excessif du travail d'Anne nivat, qui a tendance a se focaliser sur les quartiers délaissés des villes visitées (la partie qui m'a le plus intéressé est donc celle sur Laval, ou la parole est donnée à d'autres personnes, l'élite catho de province), et le manque de "vraie" classe moyenne, pour peu qu'on arrive à la définir clairement un jour, le bouquin demeure important et essentiel. Il s'inscrit clairement dans la veine de Rosanvallon et la création du "Parlement des invisibles" et de "raconter la vie", d'ailleurs cités dans le livre, avec le côté journalisme d'investigation s'inscrivant dans le temps long et l'ancrage local, que l'on retrouve chez Florence Aubenas. Si le résultat est moins limpide qu'Aubenas, moins savant que Rosanvallon, il faut savoir s'extraire de ces deux figures (pour moi) tutélaires et reconnaitre que c'est un témoignage, certes imparfait, mais de qualité et important à lire, et à conserver.