Découvrez les Carpathians
Il y a des vampires et des suceurs de sang dans cette série, mais ce n’est pas de la bit lit, non, non, c’est de la romance bien comme on l’aime. Un héros, une héroïne, qui finissent ensemble à la fin pour l’éternité. Ces éléments, qui sont les pilliers du genre, prennent ici un relief tout particulier, puisque dans le monde des Carpathians, les mâles doivent s’unir à leur lifemate pour atteindre une sorte d’immortalité…
Quand on aborde la littérature sentimentalo-vampirique, on se pose forcément la question : comment peut-on rendre des buveurs de sang séduisants, comment peut-on en faire des héro(ïne)s romantiques ? Évidemment, se rappeler que tout cela n’est que de la fiction est essentiel, mais encore : on ne tombe pas amoureux des psychopathes ou des tueurs… (Quoique, dans la série Luther, c’est plutôt bien joué.) Du coup, chaque auteur a son truc pour désamorcer la part d’horreur inhérente à la condition de vampire : dans Twilight, les gentils vampires ne boivent que le sang d’animaux. Dans True Blood, ils boivent du sang synthétique.
Chez Sherrilyn Kenyon, l’unicité du “vampire” laisse la place à une dynamique plus complexe : on a d’un côté les méchants, les Daimons, qui s’attaquent aux humains pour allonger leur espérance de vie, et de l’autres ceux qui les chassent, dont les Dark-Hunters, qui ne boivent pas de sang malgré leurs autres caractéristiques vampiriques.
C’est aussi un univers de cet ordre qu’a créé Feehan : ses Carpathians sont une sorte d’espèce supérieure dotée de pouvoirs surnaturels et de la possibilité de vivre pendant de nombreux siècles. Ils se nourrissent de sang, mais leur “chasse” n’est pas mortelle. Cependant, cette nature chasseresse les soumet à la tentation du meurtre ; s’ils y succombent, ils deviennent vampires… Plus un Carpathian vit longtemps, plus cette tentation grandit en lui, et plus le monde perd de sa couleur et de son goût. La façon pour un mâle de revivre et de se préserver du mal est de trouver sa lifemate.
Dark Gold démontre mieux que n’importe quelle histoire de vampires que j’ai lue jusqu’à présent l’intérêt de faire de ces créatures quasi-monstrueuses des héros de romance. Bien sûr, tous ces romans s’appuient de façon évidente sur la dualité séduction-répulsion propre aux vampires (ici, Carpathians) : ils ont un sex appeal de ouf, mais attention, ils sont aussi deadly… Ça, tout le monde, les lecteurs, les auteurs le savent. Justement. Souvent, les auteurs se reposent sur cet universel : comme si avoir droppé le mot “vampire” suffisait à caractériser leur personnage. On ajoute deux-trois commentaires, à l’effet que les gens de la ville se méfient de lui ou le détestent, et hop ! on croit qu’on a étayé le fait que notre vampire a une aura terrifiante. Or la lectrice, elle, n’a toujours rien vu ni rien ressenti.
Le fait que l’héroïne n’a bizarrement pas peur, ou encore tombe amoureuse de cet être persécuté dès le second regard, y est sans doute pour quelque chose. Ici, c’est l’inverse, l’héroïne résiste autant qu’il lui est possible les avances du héros, qui ne sait vraiment plus quoi faire… Insister, séduire Alex, lui laisser au contraire plus d’espace, argh ! tout se retourne contre lui. Notre héroïne ne rêve pas du tout, mais alors pas du tout de devenir une immortelle qui crame en plein jour et se nourrit du sang d’un autre être vivant ! L’idée même l’horrifie et la répugne. Aussi, malgré son attirance indécente pour ce beau blond roumain au nom anglais (Aidan Savage), elle sait que se rapprocher de lui signifie la fin de sa vie telle qu’elle l’a connue, de sa liberté, de tout ce qui lui est familier.
Toute cette série telle qu’elle est conçue aborde un thème qui me rend pourtant à priori réticente : l’amour en tant que destin. Un peu comme le concept d’âmes sœurs, même si l’auteure a décidé de créer un mot juste pour ça : lifemate (la seule fois où apparaît le mot “soulmate“, c’est lorsqu’Aidan songe à son frère). Les Carpathians mâles ne choisissent pas leur compagne, ils doivent vivre avec ou mourir sans elle. Il en découle que le fait de courtiser, de convaincre ou de persuader la femme ne leur passe pas vraiment par l’esprit. LOL Ils la trouvent, ils la gardent : voilà comment ça fonctionne.
Sauf qu’en même temps, comme leur lifemate détient leur vie et leur bonheur entre ses mains, ils ont tout intérêt à ne pas la mettre en colère, n’est-ce pas ? De l’autre côté, une femme comme Alex, qui est devenue Carpathian contre son gré, doit abandonner ses croyances modernes selon lesquelles sa vie lui appartient totalement. Rough, vous trouvez ? Un peu quand il s’agit d’amour, mais philosophiquement, ça se tient tout à fait. La croyance moderne selon laquelle chacun fait ce qui lui plaît est une illusion ; notre vie entière est en réalité bordée par nos limitations (physiques, mentales) et, si on les accepte, par nos responsabilités.