A travers ses 300 entrées, tant nominatives que thématiques, ce dictionnaire cinéphile écrit d’une seule main aborde des sujets aussi déroutants que la conquête spatiale, le gigantisme humain et animalier, le bon usage des boucles temporelles, les rapports de Méliès avec le monde du théâtre, le traitement du multiculturalisme dans "Star Trek" ou le rôle inquiétant des balançoires et des couloirs. On y apprend pourquoi le vert symbolise la mort dans les gialli de Mario Bava, ce que le space opera doit aux comics, pourquoi le cinéma des peuples insulaires comme celui des Anglais est obsédé par la peur de l’invasion, ce que l’"Unheimliche" (l’inquiétante étrangeté) chère au fantastique doit à Freud et aux contes d’Hoffmann, qui étaient les scream queens (actrices connues pour leurs cris de terreur) et les bakenoko (chats-fantômes issus du folklore japonais), pourquoi la forêt constitue un décor de prédilection pour les survivals ou comment le thème de l’héroïsme individuel s’est substitué à celui de la lutte des classes dans les blockbusters américains. Il est beaucoup question d’héritages, d’influences : celle du Cri de Munch sur les films de Wes Craven, celle de la Beat Generation sur le cinéma cyberpunk, celle du "Manuscrit trouvé à Saragosse" sur la mode du found footage, celle de Rembrandt et Delacroix sur le "Faust" de Murnau, celle des théories d’Edmund Burke au sujet du sublime sur l’esthétique des films gothiques, celles de l’anglophobie néo-zélandaise sur les premières œuvres de Peter Jackson…


L’auteur révèle une connaissance pointue du cinéma soviétique, qu’il traite dans de nombreux articles, que ce soit pour évoquer le peu de goût de l’URSS pour le genre fantastique (trop fondé sur la psychologie individuelle) ou les raisons pour lesquelles la planète Mars, chère à Hollywood, était remplacée par Vénus dans la science-fiction russe. Les textes les plus intéressants sont assurément ceux qui se penchent sur les rapports entre technique et esthétique : les possibilités offertes par le hors-champ, le pouvoir anxiogène du choix d’un horizon incliné dans un cadrage, la maîtrise hitchcockienne du concentration cut, les charmes de la Steadicam ou les secrets du travelling compensé. Quelques entrées retiennent particulièrement l’attention, comme celles sur l’expressionnisme, sur l’uchronie, sur la vraisemblance dans les récits ou sur des cinéastes inclassables comme Jean Rollin ou Ed Wood. Un dictionnaire passionné qui met en œuvre une curiosité très communicative.

David_L_Epée
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le 17 nov. 2015

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