Quand on ouvre ce livre pour la première fois sans connaître quoi que ce soit à l'auteur, on peut être un peu décontenancé. C'est pourquoi il me faut faire un rapide détour sur Laurent Dandrieu.
Ce dernier est critique de cinéma chez "Valeurs Actuelles", hebdomadaire clairement orienté à droite, conservateur, libéral et patriote. Lui-même est catholique, et ne se prive pas de le montrer. Bref, tout pour déplaire aux gauchistes radicaux défenseurs des causes consensuelles, comme l'antiracisme ou la lutte pour l'égalité, et tout pour plaire au public catholique traditionaliste un peu coincé, déblatérant sans cesse des diatribes pitoyables contre la violence ou la décadence des mœurs dès qu'un couple est un tant sois peu dénudé, ou qu'un personnage saigne. Bref, les uns vomiront Clint Eastwood pour son soi-disant "fascisme", les autres hurleront contre Woody Allen à cause de ses films "immoraux".
Laurent Dandrieu se situe-t-il dans la seconde catégorie? A priori oui. Dans les faits, non.
D'ailleurs, il a consacré un ouvrage à Woody Allen: http://www.senscritique.com/livre/Woody_Allen_portrait_d_un_antimoderne/398444
Qu'avons-nous en effet dans cet ouvrage? Eh bien, pas mal de choses fort intéressantes. Des critiques, certes contestables (je ne comprend pas son désamour du Docteur Jivago ou de Spielberg en général), mais toujours remarquablement écrites et plaisantes à lire.
Toutefois, l'arrière-plan idéologique de l'auteur n'est pas à ignorer. Il est évident qu'il sera plus indulgent envers certaines œuvres que d'autres. Ainsi, il descendra en flammes La Dernière tentation du Christ, film polémique, proposant une image de Jésus différente de celles que l'on trouve dans un catéchisme (mais pas tant que ça d'une certaine conception contemporaine de ce mystérieux personnage).
De même, Dandrieu semble relativement ignorant de la "pop-culture" contemporaine, comme le montre ses jugements consacrés à Kill Bill et Matrix. Mais cette ignorance permet aussi une indépendance d'esprit, qui lui permet de juger plus objectivement des œuvres que les jeunes cinéphiles considéreraient comme cultes ou intouchables. Et c'est tant mieux, car cela permet au lecteur de s'interroger sur ce qu'il a vu, et de juger non pas la réputation du film, mais le film lui-même.
Et le fait qu'il soit un homme de droite ne l’empêche pas d'apprécier des films comme American History X, consacré au racisme, ou encore de détester Fight Club, qui fut dénoncé en son temps comme film fasciste (interprétation très contestable).
Et même si le cinéphile senscritiquien pourra regretter la quasi-absence de critiques consacrées à Tarkovski ou la surabondance de films de John Ford, l'inculte revendiqué (catégorie dans laquelle je me permet de me placer) ne peut qu'aduler ce travail, certes contestable à l'infini, mais qui a l’honnêteté de ne pas cacher ses opinions philosophiques et politiques, de livrer une source d'information et de culture assez pharaonique (et non dénuée d'humour) et tout simplement, de proposer un regard différent sur le cinéma.
Et envisager des regards différents pour les confronter, n'est-ce pas là le signe d'une grande honnêteté intellectuelle?