Emmaüs par Tempuslegendae
Alessandro BARICCO est un auteur exceptionnel et mondialement connu. «Château de la colère» et «Soie» sont deux œuvres phare dans le parcours de l’écrivain. A l’automne dernier, il revenait vers nous avec un roman court et intense dont il a garde le secret dans sa griffe, il s’agissait d’«Emmaüs». Il y est question d’adolescence et d’innocence. Des enfants jeunes à tout point de vue. Outre le narrateur, il y a son meilleur ami: Luca, dont le père est fonctionnaire ministériel pour le moins silencieux; le rouquin Bobby, qui possède une basse ornée d’une décalcomanie de Gandhi; ou celui que l’on nomme le saint, qui ambitionne de rentrer dans les ordres et une mère que personne n’a jamais vue «sans maquillage ou portant des chaussures mal assorties à sa tenue»
Tous sont de fervents catholiques, croyant au Dieu des Évangiles. «Nous sommes tout à fait normaux, il n’est pas prévu d’autre plan que celui d’être normaux, c’est une inclination dont nous avons hérité par le sang», explique le narrateur. Les amis jouent de la musique en quatuor, se produisent à l’église. Dès qu’ils le peuvent, ils s’en vont aussi donner un coup de main à l’hôpital social, aider les malades impotents dont ils changent les poches sans rechigner. Les jeunes gens de BARICCO ont des petites amies avec lesquelles ils ont l’habitude de prendre du plaisir sans faire l’amour.
Mais à leurs yeux, la seule vraie reine est Andrea. Celle que d’ailleurs tout le monde appelle André. Une blonde platine avec quelque-chose de viril, une dureté et un père conduisant une Spider rouge vif. Bien qu’ayant leur âge, elle aime souvent traîner avec des gars plus vieux, «et cela la rend plus étrange et insaisissable». Elle est belle et scandaleuse, André a jadis tenté de se suicider en se jetant du haut d’un pont. On sait encore qu’elle est libre de son corps, danse et se tord à merveille et qu’il lui arrive de distraire les hommes à l’avant d’une voiture.
Lancinante, la musique des mots dispensée par le romancier italien marque durablement le lecteur. Il fait preuve d’une immense finesse et d’une intensité certaine pour évoquer les «mystérieuses proximités» dont sont parfois capables les hommes et les femmes à des virages précis de leur existence. Charnel, brûlant et incarné, «Emmaüs» s’impose de toute évidence comme l’une de ses plus grandes réussites littéraires.