Court et beau roman de Claude Michelet écrit en 2004 qui nous a habitués aux grandes sagas.
L'histoire est simple. Nous sommes le 20 décembre 1916 entre 22 h et minuit. Marthe, l'épouse de Jean vit dans une petite ferme corrézienne. Jean, mobilisé dès 1914 est en première ligne dans une tranchée boueuse et veille.
Chacun, de son côté, pense, se souvient. L'un a peur, l'autre est angoissée. L'un a peur de s'endormir, peur de ce qui peut arriver à tout moment avec ces satanées tranchées ennemies à moins de trente mètres. L'autre ne veut pas se coucher trop tôt pour mieux dormir comme une masse et ne plus penser ; elle se bat chez elle pour tenir cette ferme, élever leurs deux enfants et supporter en prime la belle-mère (qui se serait bien vue à prendre le pouvoir en l'absence du fils).
La tension monte peu à peu au cours des deux cent pages de chaque côté. Les souvenirs heureux défilent et tiennent éveillés afin de chasser les angoisses et les peurs.
Le livre est en quelque sorte une mise en parallèle de deux destins à 7oo km de distance (environ) où les esprits de ces gens simples s'expriment en totale cohérence et avec la même angoisse au ventre d'une issue tragique.
Le livre est un beau roman d'amour et de confiance où Jean et Marthe sont séparés par cette meurtrière guerre depuis 872 jours alors qu'ils se connaissent depuis toujours et ne s'étaient jamais quittés. C'est aussi un roman de terroir qui magnifie le courage de Marthe pour reprendre et assurer l'ensemble des travaux de la ferme. Sans oublier que l'horreur de la guerre n'est pas qu'au front. Elle s'invite régulièrement dans ce village corrézien où le maire, devenu oiseau de mauvais augure, est régulièrement chargé de transmettre en silence une lettre à une épouse éperdue.
Cependant, Claude Michelet, comme toujours, sait conserver la juste distance entre le drame et la vie qui doit continuer. Et cette vie qui doit continuer s'appuie sur les souvenirs heureux et l'espoir.