Parue à la rentrée 2015, l'édition française de Six jours avait fait l'effet d'une déflagration par son ambition et sa puissance narrative, nous faisant découvrir un écrivain déjà au faîte de son art : Ryan Gattis. Depuis, ce dernier a publié Air (non traduit en français) et En lieu sûr (Safe en V.O) dont l'action se déroule sur 3 jours à Los Angeles, avec deux narrateurs, héros d'un roman noir assez décevant vu les attentes mises dans le talent de l'auteur. En lieu sûr voudrait être une sorte de tragédie grecque, intime et sociale, situé dans la période immédiate avant la crise des subprimes mais ce qu'il raconte n'a pas la force nécessaire pour y parvenir. Certes, les deux personnages principaux sont très fouillés, se mouvant dans un marigot aux émanations délétères où s'ébattent membres de gangs et représentants d'organisations officielles (FBI, Stups) tout en jouant sur les deux tableaux. Et leurs tourments, avec plusieurs flashbacks explicatifs, ne sont pas moins empreints d'ambigüités et de douleurs. Mais si le roman n'a pas l'impact qu'il devrait, c'est en grande partie dû au style oral voulu par Gattis qui en français donne une langue vernaculaire assez pénible à déchiffrer, plutôt grossière même, avec l'impression au final que l'on se trouve dans une banlieue hexagonale plutôt qu'à Los Angeles. Evidemment, la traduction d'En lieu sûr a dû être difficile mais le résultat n'est vraiment pas probant, même avec la playlist punk-rock, donnée en début d'ouvrage, qui sert de B.O à l'un de ses deux héros, En lieu sûr se lit sans ennui, bien sûr, mais ne peut se comparer à l'emprise dévastatrice de Six jours que Ryan Gattis aura bien du mal à égaler dans le futur.