Enrage contre la mort de la lumière par Anaïs Alexandre

Mvelo a quatorze ans quand elle se retrouve seule avec sa mère malade du sida. Autrefois, elles n'étaient pas si malheureuses. Zola était une championne de course dans son collège et l'avenir semblait radieux. Mais quand elle tombe enceinte et qu'elle est reniée par son père, elle doit s'enfuir chez sa tante pour y élever son bébé. Cette dernière tient un bar clandestin où Zola rencontre un homme lumineux mais inconstant, Sipho. Cependant les marques de l'apartheid, le VIH et machisme laissent peu d'espoir aux jeunes femmes et les revers sont nombreux pour Zola et Mvelo.

L'autrice revient sur la parcours chaotique de Zola et montre comment elle doit lutter pour sa survie et celle de sa fille. Plusieurs fois leur situation se stabilise et plusieurs fois elles chutent à nouveau. Partout plane l'ombre de "la maladie à trois lettres" qui fait des ravages dans le bidonville à cause des hommes volages et du manque de protection. Maladie tabous, le VIH est dans tout les esprits. Les femmes s'angoissent de ce que leur homme vont leur ramener de leur escapade. Cette thématique du sida en Afrique je l'ai peu rencontré et c'est ici très bien traité. C'est une menace sourde qui pèse sur les relations entre les hommes et les femmes, un maladie qui, on l'oublie parfois en occident, tue énormément.

Il y a aussi les viols qui ne sont pas rares dans le bidonville et diffusent encore un peu plus la maladie. Mvelo le sait, les jeune filles sont des proies faciles et même des hommes de confiances peuvent se révéler être de véritable prédateurs. Dans son milieu le danger et la misère sont partout. L'autrice nous décrit les conditions de vie dans la bidonville de manière très précise. Elle raconte comment les jeunes filles sont tenue d'être testé pour vérifier qu'elles ne sont pas "abimées". Dès le départ Mvelo trouve cette pratique indigne et ne s'y plie que pour faire plaisir à sa mère. Quand elle subit les assauts d'un prêtre, elle décide que dorénavant on ne l'obligera plus à rien.

Un autre personnage de femme important traverse le roman,. Il s'agit de Noceba, une jeune femme issue d'une union mixte mais dont le père à fuit. Avocate brillante, elle est une des conquêtes de Sipho. Son indépendance la fait passer aux yeux des autres pour une sorte de sorcière et beaucoup la craigne. Elle prend sous son aile Mvelo et s'occupe de son éducation. Elle œuvre pour aider les jeunes fille et tente de retrouver son père. C'est un personnage que j'ai trouvé très fort. Elle est libre et désirée mais également crainte et engagée pour les autres femmes. Elle représente l'espoir, la possibilité de se trouver un place dans cette société raciste et misogyne.

Mvelo, Zola et Noceba luttent chacune à leur manière pour rester indépendante. Elles refusent toutes les trois le jugement des hommes et choisissent leur liberté avant tout. L'autrice donne vie à des personnages qu'on ne voit pas en littérature en généralement. Ce sont des femmes marginales prisent dans les aléas d'une vie comme il y a tant. Elle ne sont pas des héroïnes qui accomplissent de grandes choses mais leur lucidité sur leur condition leur fait faire un pas de coté nécessaire. Leur lutte dépasse les frontières et inspire. En terminant la lecture, la phrase mise en exergue par l'autrice résonne alors fortement et dit tout de son projet :

Aux enfants qui vivent aux marges de la société et dont les difficultés sont colossales. Vos voix comptent.

C'est un roman court mais percutant avec des personnages incarnés qui ouvrent de nouveaux horizons. Merci aux éditions Belleville pour leur confiance et pour nous offrir de tel texte, c'est une lecture poignante que je ne suis pas prête d'oublier.

Traduction de Estelle Flory