Hésitations sous l'atomium.
Pour un gars de ma génération, l'exposition universelle de 1958 à Bruxelles fait un peu figure de madeleine de Proust. Bien qu'ayant vu le jour à la même époque, l'onde prophétique cet événement, basé sur cette croyance positive de lendemains qui chantent grâce aux progrès scientifiques et technologiques, a bercé ma jeunesse. Je me souviens de mes lectures, béat, de ces articles abondamment illustrés d'un an 2000 où les voitures voleraient et les hommes vivraient sereins et heureux grâce aux bienfaits issus de chercheurs généreux. Il y avait souvent, dans un coin, une représentation de l'atomium, symbole de cette modernité en marche et que reprenaient à l'envi les magazines belges Spirou et Tintin. Quand, dans les années 90, lors d'un séjour à Bruxelles, j'ai emprunté ces escalators à bout de souffle et ai eu la joie d'arpenter l'intérieur délabré et vieillot de ces boules d'aluminium, j'ai retrouvé l'espace d'une matinée la magie d'une enfance à rêver à un monde futuriste. Dans mon imaginaire, l'atomium est plus important que la tour Eiffel.
Autant vous dire, que le nouveau roman de Jonathan Coe, planté dans le cadre de cette effervescence scientifique, ne pouvait que m'attirer. J'ai retrouvé dans les premiers chapitres cette envie de progrès qu'un monde sortant du plus terrible des conflits voulait à tout prix promouvoir. L'histoire proposée, le séjour en Belgique d'un trentenaire britannique sage et dévoué, nous fait bien ressentir la dynamique de cette époque, cette foi en la réconciliation des peuples grâce aux sciences mais aussi à la promiscuité qu'offre une exposition universelle. En expatriant ce petit mari modèle dans ce caravansérail que fut cet événement, Joanathan Coe s'offre un décor romanesque formidable. Il développe son intrigue autour des questionnements de son héros quant à sa vie personnelle confrontée à beaucoup de tentations, avec une incursion très "guerre froide" où l'espionnage est un jeu quotidien, surtout dans un espace où toutes les nations importantes jouent des pectoraux pour montrer au monde leur puissance et leur ingéniosité.
Si la toile de fond m'a paru réussie ( effet de la nostalgie ?), le récit lui ne brille pas par son originalité. Les péripéties sont assez téléphonées, et leur légèreté n'arrive pas à masquer leur banalité. Toutefois, en bon faiseur, l'auteur a fini par emporter le morceau dans une deuxième partie au romanesque achevé mais où la cocasserie du départ disparaît pour une vraie mélancolie. Le roman en prenant ce virage devient une réflexion sur l'échec, les opportunités que l'on a pas su saisir, la force d'une éducation corsetée face à la vraie vie qui vous nargue et parvient du coup à émouvoir.
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