Mères perdues
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Venant en fin de séquence de textes du Codex VI de Nag Hammadi, ce texte est véritablement un extrait, qui démarre sur les chapeaux de roues avec un exposé d’Hermès Trismégiste à Asclépios, affirmant qu’il faut éviter de se livrer en public à des rites sexuels, car les profanes n’en comprendraient pas le sens et se moqueraient des candidats à l’initiation. Comme quoi la gêne ancestrale de l’homme face à l’acte sexuel ne date pas d’aujourd’hui, et ne saurait être attribué à des influences chrétiennes, la christianisme n’existant pas encore à l’époque des racines de l’hermétisme.
Ceci dit, ce texte ne plane pas aussi haut que « L’Ogdoade et l’Ennéade ». Il se préoccupe essentiellement de la condition matérielle de l’être humain, affirmant que Dieu, en créant l’homme avec de la matière, n’a pu éviter d’y incorporer des vices, étant donné que les vices sont inhérents à la matière. Faute de bénéficier de l’immortalité, l’homme dispose de la science et de la gnose pour se rapprocher de la pureté divine.
L’une des puissantes originalités de ce texte, c’est l’exposé des fondements de l’idolâtrie, au sens d’ « adoration des images » : l’homme, lorsqu’il sculpte des statues de dieux, a le pouvoir de les animer véritablement d’un esprit divin (l’homme crée des dieux dans cette mesure-là), grâce à sa connaissance des relations de « sympathie » qui existent entre les différents niveaux du cosmos. Il va de soi que seuls les hommes instruits en gnose et en science peuvent « animer » des statues. Et ces « dieux-statues » ont véritablement des pouvoirs : ils peuvent amener des maladies, les guérir, et envoyer des fléaux (69, 35 à 70, 2). L’ « âme » des dieux est réintroduite dans leurs statues chaque matin, grâce à des rituels spécifiques.
Sans se soucier particulièrement d’effectuer une transition, Hermès Trismégiste révèle à Asclépius de sombres prédictions pour l’Égypte : traditionnellement terre des dieux, elle va être envahie par des peuples étrangers, et les dieux vont déserter l’Égypte (entendez par là que l’envahisseur va emporter chez lui les statues des dieux égyptiens). L’Égypte connaîtra alors une inversion totale des valeurs : l’erreur et l’ignorance domineront, et les « spirituels » craindront pour leur vie. Les habitants de l’Égypte tourneront en dérision toute croyance religieuse authentique. Cette perspective apocalyptique n’est pas sans évoquer nombre de passages de la Bible, entre autres les malédictions et imprécations de nombre de Prophètes.
Cette catastrophe relève d’une conception traditionnelle mythique de l’entropie croissante qui s’impose au monde : le monde vieillit, est fatigué, et doit être détruit et « rajeuni » par l’eau (un Déluge, thème très sémitique), ou par le feu (incendie général). Là-dessus, un Démiurge « bon », issu de Dieu, vient reconstituer un monde plus jeune, prêt à partir pour un nouveau cycle. À noter que ce changement de cycle correspond à une conception astrologique : un cycle se termine et l’autre commence lorsque les astres se retrouvent dans la même position mutuelle que lors de la fin du cycle antérieur.
Cette prophétie est l’occasion de clarifier la vision qu’Hermès a du cosmos : en haut, un Dieu suprême, éloigné de toute forme de matière ; un cran plus bas, le « bon » Démiurge, qui donne la vie ; encore plus proche de la matière, « Zeus-Ploutonios » domine la Terre et la Mer ; enfin, très proches de la matière, des divinités spécialisées, telles que Koré, assurent l’entretien des diverses fonctions de la Nature.
Un des passages les plus intéressants disserte sur la mort : de manière assez platonicienne, la mort ne doit pas effrayer, car elle n’est que la séparation de l’âme et du corps, lorsque ce dernier est devenu incapable de « supporter » l’être humain. En conformité avec ce que nous racontent les rapports d’expériences aux frontières de la mort (NDE pour les franglicistes), l’âme est décrite comme cherchant à s’envoler vers le ciel (retour, très gnostique, vers ses origines). Mais elle rencontre sur son passage un « Grand Démon » (envoyé par le Grand Dieu » (en général, dans les NDE, c’est plutôt un Être de Lumière) qui procède au jugement de l’âme, et qui, en fonction de ce qu’a fait le défunt pendant toute sa vie, lui assigne une place appropriée entre la Terre et le Ciel. Éventuellement, le Grand Démon peut renvoyer l’âme dans les régions terrestres et lui infliger un châtiment. On retrouve ici les thèmes chers à ceux qui explorent l’Au-Delà : différents niveaux « vibratoires » en fonction du « karma » personnel, existence de zones de basses vibrations pour les âmes polluées par le Mal (Bas Astral). Ceci dit, l’Enfer ainsi décrit, essentiellement de supplices à base d’eau et de feu, ne s’éloigne guère d’une conception traditionnelle.
Tel quel, ce texte apparaît donc comme une compilation d’extraits assez pittoresques, peu ou pas reliés entre eux, et vaut par la version qu’il donne de plusieurs structures mythiques archaïques, qui hantent l’esprit humain jusqu’à nos jours.
Créée
le 31 janv. 2017
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