La zone grise qui fait tâche.

La position de l'auteur, mais aussi celle du lecteur s'apparente clairement à une balle de ping-pong en plein match. Je n'ai pas arrêté d'osciller entre la position d'amie et celle de l'accusatrice. C'est ce que le personnage de Quin m'a fait ressentir en tout cas. Est-ce qu'il est victime ou est-ce que l'histoire racontée (après-coup, ou pas) le place en position d'agresseur ? C'est un essai très intéressant sur l'ambiguïté du consentement. À l'air du MeToo, Mary Gaitskill dépeint admirablement la subtilité et les nuances de ce sujet dans Faites-moi plaisir. Histoire d'un éditeur en vogue, Quin, à la réputation plutôt bonne, qui se fait licencié, et accusé de comportement "inapproprié" par plusieurs femmes. Pourtant, il ne comprend pas ce qu'on lui reproche. Sa meilleure amie Margot ne cesse de le défendre et de trouver sa punition trop sévère pour le personnage bon vivant et grand joueur de Quin.

Mary Gaitskill a réussi à NE PAS placer la femme au milieu d'un procès burlesque en les pointant du doigt pour les discréditer ou alors a minimiser voire modifier les faits. Le caractère qu'elle donne à Quin est tellement troublant que c'est ce qui en fait un homme très perturbant. Son coté provocateur et grand enfant peut lui être jugé comme étant quelque chose de plus dangereux qu'un macho de première.

Le passage suivant m'a un peu percuté. Il y a une forme de rancune dans l'incompréhension que l'accusé traverse, mais aussi une culpabilité sous-jacente qui est peu subtile quand on entend les excuses donner aujourd'hui dans ce genre d'affaire...

Elles sont en colère à cause de ce qui se passe dans ce pays, ce gouvernement. Elles ne peuvent s’en prendre au roi, alors elles se satisfont du fou.

Pourtant, l'avis de Margot le décrit clairement comme quelqu'un de presque lubrique, alors qu'elle-même a vécu un événement similaire au début du livre. Pourtant, ça ne l'empêche pas de se ranger du côté de Quin, même si elle admet comprendre les femmes qui l'accusent.

c’est sa folie, son humour, son obscénité qui m’ont redonné goût à la vie. 

Sur un peu plus de cent pages, ce petit roman centralise tous les personnages face à un problème. Quin et son avis irréductible, peut-être aussi dans le déni face à cette incompréhension, position pouvant être calqué aux hommes plus globalement. La faculté des femmes à pardonner, l'épouse fière, la petite fille déjà trop grande qui comprend trop vite, les amis fidèles, voire un peu trop...

Ce que Mary Gaitskill est parvenue à nous donner, c'est une neutralité face à une situation où deux camps peut s'ériger.

Qui a tort, qui a raison ? Est-ce que l'histoire raconter appuie réellement les faits, le vécu ? Est-ce que la parole d'une victime peut être influencée, modifiée ou minimisée ? Toutes ces questions qui gravitent autour du sujet du consentement et sur la frontière qu'il y a plus entre le oui et le non sont bien plus vastes et complexe que je ne voudrais et pourrais l'écrire.

Qui qu'il en soit, c'est un écrit qui pousse à la réflexion et pour cela, il mérite amplement d'être lu.