Famine Rouge
8.1
Famine Rouge

livre de Anne Applebaum (2017)

Anne Applebaum a déjà écrit Goulag.


Ici, elle s'attaque à la famine en Ukraine de 1933-1934. Ce n'est pas un livre partisan autour de l'Holodomor (terme utilisé par de nombreuses personnes pour tenter d'en faire un génocide. De fait, cela ne correspond au sens stricit, légal même si Lemkin avait initialement dit que l'Holodomor (extermination par la famine) était un cas d'exemple. Elle étudie d'ailleurs l'usage du terme, sa discussion en fin d'ouvrage.


Anne Applebaum retrace la généalogie de cette famine, de cette exécution de masse par la faim. Elle le fait démarrer dès la période tsariste par les différences faites entre les populations.


Puis c'est la révolution de 1917 mêlant la différence faite entre l'industrie et l'agriculture avec la priorité faite à l'industrie (promesse de futur), l'émergence d'une conscience nationale en Ukraine contraire au Kominterm, la dékoulakisation (terme abominable qui fait de n'importe quel paysan propriétaire de quelques bêtes une sorte d'ennemi des soviets)...


Alors, au milieu de tout cela d'abord Lénine (le gentil Lénine toujours autant porté aux nues aujourd'hui en France: ("Nous devons dès maintenant donner une leçon à ces gens, pour qu'ils n'osent même pas imaginer résister durant les décennies qui viennent") puis Staline vont faire de l'Ukraine un territoire ennemi au service de la Révolution industrielle. Ainsi, passant de la collectivisation, volant les paysans, les privant de leur rêve de propriété après 1917 entraînant déjà la famine de 1921, la Russie Soviétique, en imposant des quotas irréalistes, va dépouiller les paysans ukrainiens de leurs biens, de leurs semences, de leurs récoltes pour les exporter ou nourrir les centres industriels. L'Ukraine décharnée par la Russie.


Bilan: environ 5 millions de morts.


Alors, à proprement parler, il n'y a pas volonté d'extermination d'un peuple mais plutôt une spécificité dans l'organisation de la famine en Ukraine. Le parti communiste ukrainien va se faire coloniser par des russophones, les intellectuels ukraniens vont se faire exécuter. Il y a bien une spécificité culturelle.


Puis ce sera le temps de l'invisibilisation de cette famine.


L'Holodomor n'est donc pas un génocide au sens strict du terme mais bien un sacrifice spécifique de population dans un rapport complexe à un certain historicisme communiste, marxiste (au sens de Karl Popper) dans lequel des enjeux de nationalité ont eu lieu.


Ce livre permet aussi de comprendre les enjeux actuels en Ukraine (Poutine et l'annexion de la Crimée.)


A lire.

LilianSG
10
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le 22 mai 2020

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LilianSG

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