C'est sans doute une très mauvaise idée que de lire trois romans français récents à la suite, à savoir Trois fois la fin du monde, Ça raconte Sarah et Frère d'âme. Des livres très différents par leurs sujets, mais qui se rejoignent négativement sur certains points ... Est-ce un hasard ? Toujours est-il qu'on y trouve les mêmes caractéristiques, une plongée immersive dans les pensées plus ou moins cohérentes de chacun des principaux protagonistes et de nombreuses redondances, y compris dans le vocabulaire, volontaires certes mais lassantes pour un lecteur attaché au style et aux qualités narratives des ouvrages. Frère d'âme s'impose pourtant d'emblée par l'intérêt de son thème : la Grande Guerre vue par un tirailleur sénégalais qui assiste impuissant à la mort de son ami d'enfance. Le livre est scandé comme un monologue avec des expressions qui reviennent sans cesse, de même que les scènes les plus marquantes : la mort lente et atroce de l'alter ego du narrateur, la collecte de mains des cadavres allemands par ce dernier, etc. La peinture est réaliste, presque insoutenable dans la première partie de Frère d'âme. Elle se pare de nouvelles couleurs dans la deuxième, évoquant notamment l'enfance sénégalaise du jeune héros, sans pour autant passionner autant qu'espéré. Si la sauvagerie de cette boucherie sans nom qu'a été la guerre de 14 est parfaitement décrite, il y a de quoi être plus circonspect sur la construction du roman et les partis pris de David Diop dans cette saison en enfer.