Pendant les 400 premières pages, Girlfriend dans le coma est aussi mou du genou que la chanson des Smiths dont il reprend le titre. On tourne les pages en s'ennuyant vaguement, mais c'est qu'on ignore que le pire est à venir, et qu'on est en train de manger notre pain blanc.
Même si l'idée de faire se réveiller une jeune adolescente de 1979 après dix-sept ans de coma profond n'a rien d'incroyablement original, on pouvait espérer un tableau décalé et amusant d'un groupe de jeunes canadiens confronté au temps qui passe. C'était sans compter sur l'effroyable mégalomanie de Coupland, qui entend non seulement dresser le constat d'un échec planétaire (sur l'air de "mais que sont devenus tout nos rêves baba-cool d'une société meilleure ?", version "c'était tellement mieux avant, du temps des pattes d'eph et du papier peint marron") mais en plus détient LA solution pour nous tirer de ce mauvais pas capitaliste et néo-libéral.
Car les héros de ce manifeste macrobiotique pré-mâché ne se contentent pas d'avoir foiré leur vie et de s'en plaindre mollement entre deux lignes de coke ou deux verres de whisky (on n'est pas chez Brett Eston Ellis), non, oh combien non : figurez-vous qu'à défaut d'avoir le moindre intérêt, la moindre profondeur, ils ont des dons de double-vue, et peuvent converser avec le fantôme de leur copain de lycée mort à 16 ans. Et quand arrive la fin du Monde (oui, je vous ai dit, Coupland ne recule devant rien pour nous infliger sa vision de notre horrible modernité), bingo, les 7 héros sont justement les seuls à en réchapper. Par hasard ? Que nenni. C'est que tout ça relevait d'un plan de puissances supérieures (aaaaaaaaaaaaaaaaahh !!) pour qu'ils puissent devenir les instruments de notre rédemption. Et le roman de se terminer dans des dégoulinures de sirop new âge, qui feraient vomir Paolo Coehlo, et passer Marc Lévy pour une résurrection de Dostoïevski.
C'est mon premier Coupland, et j'avoue que je reste sous le choc ! J'ai lu tant de critiques dithyrambiques que j'étais très excité à l'idée de découvrir un si grand auteur. En refermant cet indigeste brouet, je devais ressembler à un canari frappé par la foudre. Et dire que certains ici n'ont pas hésité à le comparer au génial David Foster Wallace, pour expliquer qu'il le surpassait haut la main ! Ne cherchons plus ailleurs les causes de son suicide...