Hérétiques
7.7
Hérétiques

livre de G. K. Chesterton (1905)

L’hérétique est celui qui professe ou soutient une hérésie. C’est celui, étymologiquement, qui choisit ou qui est apte à choisir. On notera que le titre du livre de Chesterton est au pluriel et en effet, il y a plusieurs hérésies qu’il a envie de combattre.


Je ne suis pas encore bien à l’aise avec la prose de Chesterton puisque c’est la première fois que je lis une de ses créations. Mais qui est l’auteur ? Gilbert K. Chesterton est un auteur anglais qui nous livre son premier essai polémique à 31 ans en 1905. Il a écrit dans les trente premières années du XXe. Fait singulier pour un Anglais, il se convertira au catholicisme Romain.


J’ai trouvé dans son livre beaucoup d’analyses qui pourraient aussi correspondre à la société et à l’ambiance que nous connaissons actuellement. Il nomme hérétiques ceux qui se revendiquent comme étant clairvoyant et courageux contrairement aux autres.


Cela peut faire penser aux personnes qui veulent s’extirper de la masse et se revendiquer comme étant pour un idéal, un progrès, comme faisant partie d’une avant-garde que la majorité silencieuse ne comprend pas encore. Nous avons régulièrement des hérétiques qui viennent sur la place publique pour se vanter d’en faire partie et qui nous disent que nous sommes dans le faux. Et nous les laissons parler.


En comparant la morale moderne à la morale chrétienne, il fait ressortir que l’idéal chrétien donne de l’espoir et une foi inébranlable, même et surtout dans les moments les plus perdus. Tandis que les athées, les modernes, n’auront pas d’espérance. Dans la morale moderne ne subsistent que des interdictions. Il n’y a aucune image de pureté ou de triomphe dans la morale moderne. On ne présente aucun idéal. Les chrétiens ont le paradis, que l’on associe à la perfection, le purgatoire, qui donne l’idée d’un progrès à faire, et l’enfer qui est là pour punir.


La moralité moderne ne peut rien donner de cela et ne peut donc donner aucune envie de progresser humainement. Il dira même :



« Le genre humain, d’après la religion, succomba et dans sa chute acquit la notion du bien et du mal. Mais voilà que nous avons succombé une seconde fois et que, seule, la notion du mal nous reste. »



Il y a d’ailleurs dans la moralité moderne « humanitaire », l’idée qu’il faut être indulgent, à la limite de la philanthropie avec le faible et les inférieurs. Il faut avoir pitié et c’est ce que l’on nous demande lorsque l’on nous admoneste de faire preuve de « tolérance ». Et c’est tout sauf un idéal démocratique, qu’ils sont les premiers à défendre, ironiquement. Notre époque est la plus antidémocratique qu’il soit puisque nos gouvernants visent à chaque loi les gouvernés. Chesterton idéalise le passé par le fait que le despote réfléchissait avant de passer une loi abusive puisqu’il y avait un risque que cela se retournât contre lui. Nos gouvernants n’ont même pas cet éclair d’esprit.


Pour éluder cette question de bien, nous parlons de « progrès », « liberté », « éducation » sans aucunement nous concentrer sur le bien que cela devrait nous apporter. Nous essayons d’apporter plus de bien sans jamais avoir essayé de le définir, en utilisant des lieux communs. Et justement sur l’utilisation du progrès comme d’un idéal moral à atteindre, Chesterton nous dit qu’il est risible d’utiliser ce mot dans ce sens puisque nous ne savons même pas ce que cela définit.


On oppose le progrès, non défini, à des choses comme la religion, le patriotisme qui ont des doctrines, des idéaux précis. On ne sait rien du progrès ni ce que cela va nous apporter, mais nous devrions troquer des idéaux connus et dont nous connaissons les fruits contre lui. Pour parler de progrès, il faut avoir défini une direction, un sens. Et donc, finalement, il n’y a que les catholiques qui peuvent utiliser le mot progrès puisqu’ils savent dans quelle direction l’humanité doit aller, de même pour les patriotes. Néanmoins, je ne sais pas quelle définition Chesterton donne au patriotisme.


C’est à ce moment qu’il s’attaque à Bernard Shaw, le meilleur ennemi de Chesterton. M. Shaw est comme les prêcheurs de progrès que nous connaissons. Si l’homme n’est pas capable d’adopter le progrès, alors ce n’est pas que c’est une mauvaise idée, mais c’est que l’homme n’est pas le bon et que donc, il faut le changer pour qu’il colle au moule idéologique.


Et si, ce monde moderne n’a plus de foi, c’est à cause de la séparation qu’il a mis avec la nature. Il dit :



“L’absence dans la vie moderne des formes les plus élevées et les plus basses de la foi est due, en grande partie, à notre éloignement de la nature, des arbres et des nuages. Si nous ne voyons plus de fantômes à tête de navets, c’est probablement faute de navets.”



Concernant ce monde moderne et son amour du scientisme, Chesterton craint qu’il ne nous amène à une destruction de la démocratie et à l’avènement de l’oligarchie et le gouvernement des spécialistes.


Et sur les néo-paganismes, il nous dit que leur foi est artificielle et que si ces païens étaient honnêtes, ils se convertiraient au christianisme puisque seul le christianisme a permis la transition entre les fois païennes et le christianisme que nous connaissons. Le christianisme a absorbé les cultes païens déjà en place en Europe. Cela ne sert à rien de créer une foi païenne hors sols qui n’a plus rien à voir avec les cultes d’avant la christianisation de l’Europe. Nous avons récupéré le mariage, Noël, Pâques, la Toussaint, la Saint-Jean… Donc finalement, que les néo-paganismes créer leurs nouvelles religions, ils finiront sans doute comme les anciennes, par se faire absorber par le christianisme.


Sur Nietzsche, qui n’a pas une grande place dans le cœur de Chesterton, ce dernier attaque l’aristocratie de Nietzsche qui serait celle d’hommes forts et vigoureux alors qu’ils ne sont que des hommes aux “nerfs faibles”. C’est parce qu’ils ont besoin de répéter qu’ils sont forts, vigoureux, qu’ils sont tout son contraire. Ils ne sont pas non plus braves en s’attaquant à des plus faibles qu’eux, ils sont faibles et couards. David a bien plus de mérite en combattant Goliath que le cyclope qui s’attaque à l’équipage d’Ulysse. Ce n’est que quand une Nation puissante a besoin de s’attaquer à de plus petites en faisant croire qu’elles sont une menace sérieuse que sa décadence est avancée.


Il faut sans doute nuancer les propos en rappelant que si Chesterton se base sur La volonté de puissance pour juger de l’œuvre de Nietzsche, il fait une erreur puisque cela a été publié de manière posthume par la sœur de N.


J’ai bien apprécié ce livre et son auteur. Néanmoins, la lecture est assez difficile, cela vient sans doute de la traduction que j’ai eue sous la main, mais il est difficile de retranscrire des blagues ou des métaphores d’une langue à l’autre. Après tout, nous ne comprenons pas le fait qu’il pleuve des grenouilles ou que l’on pave une voie. On peut être un peu perdu si l’on ne connaît pas les auteurs et hommes politiques qu’il cite et qu’il critique, bien que les noms de Chamberlain ou Wells vous sont sans doute familiers. C’est intéressant d’avoir la vision d’un écrivain britannique catholique sur les tendances de son époque et les choses qui le dérangeaient alors. Il a une plume aiguisée et les saillies dont il est l’auteur vous raviront sans doute.

Franc_cot
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le 22 mai 2021

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Franc_cot

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