Dans un village perché dans la montagne, l’été 2056, des sirènes retentissent. 150 ans après la grande catastrophe qui a dévasté toute la vallée, le glacier qui l’a surplombé est peut-être sur le point, à nouveau, de rompre sous la pression d’une gigantesque poche d’eau. Malgré les opérations de prévention, la plupart des habitants commence à se faire une raison : l’évacuation sera bientôt inévitable. Sauf peut-être pour Lucie, qui, dans sa grange à l’écart du village, héberge depuis peu sa sœur jumelle Clémence, revenue de nulle part après trente ans de silence, et qui lui a demandé de la cacher.
Il y a toujours beaucoup d’eau dans les romans d’Emmanuelle Salasc (qui publiait auparavant sous le pseudo d’Emmanuelle Pagano), et pas du genre eau qui dort. Le parallèle entre la menace Clémence et la menace que fait peser le glacier sur toute une vallée fonctionne à plein régime, à frôler le thriller psychologique. Lucie et Clémence se démènent et se déchirent sur un fond original qui mêle une belle évocation de la nature minérale de la vallée à une trame d’anticipation minutieuse et précise, qui souligne la manière dont le libéralisme et le capitalisme peuvent encore continuer longtemps de s’adapter aux évolutions sociétales et environnementales à prévoir. Hors gel est un livre multiple, brillant à bien des égards, qui adopte la temporalité longue du glacier et de la montagne pour mieux placer des uppercuts bien sentis aux moments les plus propices. J’en veux encore.