Voici un extrait qui résume à merveille le roman :
« Ce livre, ce livre que vous tenez entre vos mains, se passe ici, sur Terre. Il parle du sens de la vie et de rien du tout. Il parle de ce qu’il en coûte de tuer quelqu’un, et de le sauver. Il parle d’amour, de poètes morts et de beurre de cacahuètes. Il parle de matière et d’antimatière, de tout et de rien, d’espoir et de haine. Il parle d’une historienne âgée de quarante et un ans prénommée Isobel, de son fils de quinze ans appelé Gulliver et du mathématicien le plus intelligent de la Terre. En bref, il raconte comment on devient un humain. »
Vaste programme me direz-vous ! Mais ce passage rend compte de l’essence même de ce roman. Le mathématicien dont il est question c’est le professeur Andrew Martin, enseignant à l’université de Cambridge qui a résolu un problème mathématique qui pourrait changer la face de l’humanité. Seulement voilà, une race extraterrestre qui n’est que pensée rationnelle, les vonadoriens, décide que nous ne sommes pas prêts et nous envoie un émissaire chargé de tuer tous ceux qui ont connaissance de cette trouvaille à commencer par le professeur lui-même. L’Andrew Martin qui débarque alors ce jour-là sur terre n’en a plus que l’apparence physique et va avoir bien du mal à s’acclimater à nos mœurs, à commencer par la perception et l’utilisation de son propre corps. L’occasion pour Matt Haig de nous peindre des passages vraiment jouissifs, dans lesquels on rit de voir nos travers ainsi dénoncés. Mais plus qu’Usbek et Ricca débarquant à Paris dans « Les lettres persanes », ce roman ne s’arrête pas à une peinture critique de notre société. Il va plus loin et nous rappelle ce que c’est que d’être humain.
On ressort de cette lecture galvanisé, le cœur plus léger avec une furieuse envie de vivre notre condition humaine. Et le jury du prix du roman jeunesse européen des Utopiales ne s’y est pas trompé en le sacrant cette année.