Le récit, succession de chapitres d'une ou deux pages, est le journal d'un homme ayant perdu la mémoire de son enfance. Il tente de se reconstruire par un retour à la terre en rénovant sa maison de famille avec l'aide de sa femme. Phrases courtes, réduites à l'essentiel. Pratiquement aucun dialogue. Les personnages sont taiseux, agissent plus qu'ils ne parlent.
Journal bref d'un narrateur anonyme, nettement en retrait. Son absence de prénom s'explique-t-elle par une perte d'identité ? Dans les recoins de la maison, il cherche péniblement des souvenirs de son père, qui joua un grand rôle dans sa vie. Pourquoi ne mentionne-t-il pas sa mère ? Difficile à dire. Le père est mort, mais sa mère vivante semble reléguée dans un lointain passé. Sa femme a un prénom, Ema, s'occupe du jardin, sème des légumes dans le potager : ils mangeront bio c'est sûr ! Et ils baptisent Nestor un bébé ragondin qu'ils sauvent de la cruauté éradicatrice des villageois.
Les personnages manquent d'épaisseur comme si le diariste, après une grave dépression, manquait de mots pour les décrire. Ses graves défaillances de mémoire le rendraient-elles contemplatif ? Le rude travail en commun remplit chaque jour et rapproche le couple. Nos deux oiseaux s'aiment d'amour tendre, construisent leur nid pour de futurs oisillons : " Il nous faudrait des poules. Et des enfants aussi" (sic !)
Certains tics d'écriture me gênent. Dans la première partie, le narrateur commence chaque chapitre en décrivant leur installation, les travaux ou la rivière et le finit infailliblement en s'extasiant devant tel geste ou telle action de sa femme. Cette structure répétitive, si prévisible, une sentimentalité facile et les clins d'oeil appuyés aux lectrices m'agacent... Cet empoté, peu doué pour le travail manuel, est d'une sensibilité quasi féminine. Cela touche son épouse : quel piètre bricoleur, ce mari ! (resic !)
Récit très vite lu, vite digéré, très vite oublié. La littérature allégée (anémiée ?) est soeur siamoise du cinéma récréatif. Ce pseudo roman est un scénario idéal pour un téléfilm qui traiterait de la dépression de citadins épris de nature, en quête d'un sens à donner à leur vie. Il plairait à un large public.