111 111 (Il faudrait pour grandir oublier la frontière)
Dans cette novella, Juillard imagine le futur de la bande de Gaza, à une époque où semble-t-il toute guerre a cessé sur Terre grâce au travail des Nations Unies. Le conflit israelo-palestinien est officiellement réglé – mais la paix ne se décrète pas, et c’est ce que rappellera cette histoire, et ce qu’explicite déjà son titre : il est encore trop tôt pour que les hommes oublient les frontières qu’ils ont créé au-dehors et au-dedans d’eux-mêmes.
Juillard amène la science-fiction dans un territoire qu’elle n’explore presque jamais. Prendre en charge ce territoire et son contexte, l’un des plus complexes qui soit, exige un courage certain, qu’il convient de saluer. Regarder de face l’actualité avec ce pas de côté de la projection dans le futur donne une oeuvre d’autant plus forte qu’elle gagne sur le sujet une universalité la prévenant de toute péremption, et d’autant plus adroite que l’auteur utilise finement les codes de la SF pour avancer son propos.
Mais ce qui séduit avant tout dans « Il faudrait pour grandir oublier la frontière », c’est l’écriture de Sébastien Juillard. Le climat chaud de la région, l’aridité des paysages, ou les fêlures et blessures de ses personnages, tout est décrit avec une langue très belle et travaillée, que l’on retrouve avec encore plus de plaisir dans la nouvelle « La cigarette » donnée en fin de volume (reprenant le personnage principal de la novella, quelques années plus tôt).