Prenez un patriarche aux gênes un peu pétées (violent, vieille école, violent et violent surtout), faites le disparaître pour laisser une petite place à une femme qui a vieilli et dont la mémoire fait naufrage à chaque visite, deux filles qui se détestent, deux petits enfants dont un de 22 ans, amoureux de sa cousine de 17 ans.
Faites les vivre (en dehors de la grand mère qui vit dans un hospice) dans une maison où il ne se passe absolument rien à part les rituels nostalgique de la préférée du patriarche et de la grand mère (Susie-Q), les bastons verbales entre les deux soeurs, l'inceste naissant entre les cousins et le besoin de spiritualité de Galen, qui prend de l'ampleur en se détachant complètement du monde réel à force de ne pas manger ou de dégueuler ce qu'il vient de manger pour faire plaisir à sa mère.
On suit donc Galen, jeune adulte à l'esprit vif et intelligent, surtout en ce qui concerne Le Prophète de Gibran et Siddhartha d'Herman Hesse. En tant que personnage principal, il nous apparaît au début du récit comme l'élément principal et non perturbateur, peut-être un réconciliateur, au milieu de tout ce bordel qu'est sa famille, malgré le fait qu'il soit piégé par sa mère (elle lui refuse l'inscription à l'université), les moqueries de sa tante Helen et les assauts de sa cousine qui vont d'un extrême à l'autre.
Plus le récit passe et plus on se détache de Galen, qui se détache lui-même du monde extérieur, vivant le tout comme des expériences spirituelles éprouvantes. L'atmosphère devient étouffante au fil des pages, le huis-clos familial insupportable, on cherche de l'air, on suffoque, on ..
Bordel.
David Vann est un maître en ce qui concerne les situations glauques, donnant à ses personnages des caractères complexes, aux personnalités multiples, qui nous empêche nous pauvres lecteurs de s'identifier ou de s'acoquiner avec l'un ou l'autre alors que la nature humaine est-elle même dotée d'un nombre incalculable d'identités.
La fin s'étire, la torture est omniprésente, du côté fictif comme dans le réel, on invoque impatiemment la chute de l'histoire qui se fait attendre, qu'on pense avoir compris et puis.
Flûte. Si t'as envie de savoir, t'as qu'à le lire mon vieux.