Les aventures de Jean-Christophe tome 4.
Nous retrouvons Jean-Christophe exalté par la conversation avec l'oncle Gottlieb, redécouvrant le monde, la nature, les autres avec des yeux passionnés.
Malheureusement ce bonheur forcené sera de courte durée. Rolland nous livre juste après une réflexion ardue sur l'art musical allemand et il va falloir s'accrocher un peu.
On sera un petit peu perdu si on oublie que Rolland était mélomane et un grand admirateur de Beethoven , et la biographie qu'il a écrit nous permet d'appréhender un peu l'unité qu'il y a dans l'esprit de l'académicien entre vie artistique et courage et dépassement de soi. Le désir de pousser aussi loin l'analyse musical de Christophe est donc expliqué par le fait qu'elle nous permet d'appréhender un peu plus le caractère passionné du héros. La remise systématique de la vie musicale (composition et interprétation) rhénane de son époque est indissociable des tourments qu'il traverse. Brahms est particulièrement descendu, reflet de l'aversion de Rolland pour celui-ci.
(cf : un mémoire trouvé sur internet )
La plupart des lecteurs (je suppose, et moi en tout cas) auront du mal à tout saisir et trouveront sans doute cette réflexion un peu longue, mais au moins on saisit la portée de la musique pour le héros et pour l'auteur.
Cette analyse musicale est également celle de "l'âme allemande", d'autant plus que Christophe rencontre deux françaises ainsi qu'une passionnée de littérature française, ce qui permet la comparaison entre pensées (littéraire et musicale) françaises et allemande.
Christophe est cohérent jusqu'au bout, violent dans ses critiques et réussit sans surprise à se mettre toute la petite ville à dos. L'ambiance pesante du bourg déjà abordé dans les trois tomes précédents devient étouffante, au point de saborder l'amitié de Jean-Christophe avec un couple de brave gens. Il fait un bref passage dans le journal artistique du village, se fait avoir, puis dans le journal socialiste, se fait utiliser, virer du château.
Le seul vrai rayon de lumière de ce chapitre est la rencontre du vieux Schulz, figure de bienveillance , grand admirateur de Christophe, intellectuel sans snobisme, dont Romain Rolland nous fait un portrait particulièrement touchant.
Son esprit était parfois timide ; mais son cœur était d’une largeur
admirable, et prêt à accueillir avec amour tout ce qui était beau dans
le monde. Peut-être était-il trop indulgent pour la médiocrité ; mais
son instinct n’avait point de doute sur ce qui était le meilleur ; et
s’il n’avait pas la force de condamner les faux artistes que l’opinion
publique admirait, il avait toujours celle de défendre les artistes
originaux et forts que l’opinion publique méconnaissait.
L'autre moment marquant sera la rencontre avec des amis de Gottlieb, qui l'ont vu mourir et enterré. La fin discrète de cet homme doux étant à l'image de sa vie tournée vers les autres et la clôture avec cohérence.
Le rythme plus lent sera compensé par la fin extrêmement rapide qui projette Christophe vers d'autres aventures, et ravive notre attention, après 500 pages de cette riche biographie fictive