J'avais deux bonnes raisons de lire ce livre, un intrigant drapeau rouge, blanc et noir, et la biographie écrite par Emmanuel Carrère : les deux, ensemble, dressaient le portrait hallucinant d'un type bizarre ; peut-être fou, mais sûr de lui, errant d'un bout à l'autre du monde, toujours du mauvais côté, la mauvaise place, le mauvais endroit, exprès. C'est un peu ça, Limonov, une volonté noire s'étalant sur le tout petit monde où il règne en maître.
Journal d'un raté, c'est un journal de guerre, moitié intime moitié entraînant, ça a le goût du dégoût et de la violence. A cette époque, Editchka vit à New York, il a un peu arrêté de traîner, il écrit, il essaye de se faire éditer, il travaille, un peu, de temps en temps, il traîne pas mal, et il baise, avec passion et tout ça, il le raconte dans son journal ; ça donne de petits articles, allant d'une ligne à deux pages, il y a des poèmes et des souvenirs, mais surtout le crachat de ces noires pensées.
On ne peut pas tout aimer dans un livre aussi fragmentaire - enfin, j'imagine, ça me semble aller dans beaucoup trop de sens - alors puisque c'est ce que j'fais d'mieux, parlons de moi : j'aime bien quand il parle de la révolution des ratés, j'aime bien quand il parle des armes qu'il a toujours sur lui, j'aime bien quand il parle de terrorisme et de guerre civile, j'aime bien quand il parle de son ancienne femme, Helena, et aussi, j'aime bien quand il parle un peu d'amour, hélas, l'amour, ce n'est pas trop son verre de vodka, je n'aime pas trop quand il parle de cul vainement des lignes entières, ou de sa bite qui revient régulièrement sur le devant de la scène, je n'aime pas trop non plus sa passion pour les jeunes garçons, et les jeune filles, et la pédophilie, mais j'aime bien, cette manière de regarder passer les filles à travers ses pages, et celles qui restent, et qui reviennent, et qu'ils oublient plus vite que nous, et j'aime bien cette passion de la pauvreté, cette beauté de peinture hollandaise sur sa table, j'aime bien quand il se contredit d'une page à l'autre, comme ces deux pages opposées sur les policiers*, enfin voilà, pas besoin d'en dire plus, il y a de tout dans le journal d'un raté, du réussi, et du moins. Un sept, en soi. (Edit : Un huit ?)
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