Après avoir littéralement dévoré la saga L'Amie prodigieuse, je souhaitais découvrir le premier roman d'Elena Ferrante, publié en français en 1995.
D'abord j'ai trouvé que l'écriture n'avait pas la même fluidité, et ce roman glauque aux allures de polar m'a totalement laissée sur le bord du chemin... Je m'explique.
Delia, la narratrice, apprend que sa mère Amalia s'est noyée, le jour de l'anniversaire de sa fille ; pire encore, on la retrouve avec ses bijoux et un soutien-gorge neuf luxueux et sexy, alors qu'elle était une femme de condition modeste qui n'a eu en guise de garde-robe durant toute sa vie que quelques pièces éternellement reprisées et de très simple facture.
A partir de là Delia remonte le temps et les rues sordides et poussiéreuses de Naples pour essayer de reconstituer la vie et la mort de sa mère, un être à la fois secret et envahissant... Seulement voilà, peu d'action dans cette quête mais des digressions fantasmagoriques sur la figure de la mère dont les vêtements sont décrits avec un fétichisme exacerbé, une narratrice qui a l'habitude de semer ses slips tachés de sang derrière elle et qui passe son temps à se déguiser avec les habits de sa mère décédée... Et cela car Delia part à la recherche des hommes qu'a connus sa mère : son père d'abord, qu'Amalia a quitté quand Delia était petite fille, peintre raté, jaloux et violent qui n'arrivera jamais vraiment à se séparer de sa femme ; et puis Caserta, celui qui lui offrait des vêtements de luxe contre ses nippes démodées, dont on ne saura jamais s'il fut son amant ou bien un simple confident. A travers ces figures masculines sordides et mystérieuses Délia explore sa sexualité malsaine et celle de sa mère comme si elles ne formaient qu'un seul être, comme si la mort de l'une les avait confondues, obligeant la survivante à revivre par procuration la vie fantasmée de la femme qui fut aussi sa mère...
"Sauf que, courbé au bas des marches après la toute petite porte, Caserta me regarda en coulisse et il me dit : "Viens." Pendant que je me figurais que sa voix, en même temps que ce mot, donnait son aussi à "Amalia", il remonta légèrement d'un doigt noueux et sali de crème le long d'une de mes jambes, sous la petite robe que m'avait cousue ma mère. A ce contact, j'éprouvai du plaisir. Et je me rendis compte que se passaient obstinément dans ma tête les obscénités que pendant ce temps l'homme balbutiait d'une voix rauque, en me touchant. Je les gardais en mémoire et il me semblait qu'il les disait avec une longue langue rouge qui parlait non de sa bouche mais de son pantalon. Je ne respirais plus. J'éprouvais tout ensemble plaisir et terreur. Je cherchais à les contenir l'un et l'autre, mais je m'apercevais avec rancoeur que le jeu ne marchait pas bien. C'était Amalia qui éprouvait tout le plaisir : à moi, il ne restait que la terreur. Plus les choses se passaient, plus j'étais dépitée parce que je ne réussissais pas à être "moi" dans son plaisir à elle, et que je tremblais seulement."

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le 16 juin 2019

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