Imparfait mais comme tout Trollope qui se respecte un régal à lire !!!
Le style Trollope : une vision très caustique de l'Angleterre victorienne, n'hésitant pas aborder des sujets qui fâchaient pour l'époque tels que le droit des femmes (à cette époque pratiquement inexistant !!!), donnant ainsi quelques effluves féministes avant l'heure à son oeuvre, ou encore le rôle plus que prépondérant (qui fâche plutôt, non ???) de l'argent dans la société, additionnée à une vaste galerie de personnages généralement très haute en couleur pour lesquels parfois l'auteur a bien du mal à cacher une certaine tendresse complétée par une abondance de rebondissements parfois vraiment inattendus.
Dans notre roman, on a deux sœurs fraîchement orphelines et sans un sou, Ayala et Lucy, qui sont recueillies par leurs oncles et tantes. Ce qui ne va pas aller sans complications, et une très bonne avalanche de rebondissements donc, car leurs deux orphelines, qui ont dépassé depuis un certain temps l'âge de raison, sont certes gentilles et reconnaissantes mais pas franchement soumises aux dictats que leur imposent leur entourage.
Ajoutez à cela que la plus jeune des deux sœurs, Ayala, très jolie femme (ce qui n'est pas sans provoquer une bonne pointe de jalousie de la part d'une de ses tantes et de ses cousines !!!), reçoit les hommages au cours de notre histoire de pas moins de trois prétendants : Tom, son cousin, totalement barré, et légèrement agaçant, dans sa très grande insistance à vouloir à tout prix la main de sa cousine, le Capitaine Batsby, honorable gentleman ce qui ne l'empêche nullement de ne pas être franchement le génie de l'année, et le Colonel Stubbs, personnage attachant, sincère, dévoué, intelligent, spirituel mais qui a le malheur d'être moche et d'avoir des cheveux roux. Le tout sera plus ou moins lointainement mêlé au destin d'une bonne flopée de personnages assez pittoresques.
On lit agréablement les plus de 600 pages de ce roman, malheureusement pas exemptes de tout reproche. On peut regretter que le personnage de Lucy, après un début qui faisait largement penser qu'elle aurait vraiment un rôle important pour la suite, soit totalement négligé ou presque au profit d'Ayala, délicieuse ingénue qui ne voit son avenir que dans les bras d'un homme parfait, d'un "ange de lumière". On peut regretter aussi pas mal de longueurs que ce soit dans les scènes de chasse à courre, surtout quand on est pas véritablement fan de vénerie, ou encore sur la fin qui met un peu trop de temps à finir même si ça termine sur une canonnade de mariages heureux. Et on peut s'amuser des quelques étourderies de l'auteur qui change en cours d'écriture le prénom d'un de ses personnages ou encore qui rend intact une lettre qui a été déchirée quelques chapitres plus tôt.
Mais on retient heureusement surtout le positif avec des passages parfois à mourir de rire, celui où Ayala a le malheur de demander à une de ses cousines d'aller lui chercher quelque chose à l'étage ou encore ceux où Sir Thomas, l'oncle richissime des deux protagonistes de l'histoire, homme au grand cœur qui ne demande qu'à aider de son mieux son prochain mais dont les nombreux problèmes familiaux, causés en partie involontairement par ses deux nièces, ne sont pas sans lui causer du souci, essaye désespérément de se débarrasser de son gendre, Mr. Traffick, honorable représentant de la Chambre des communes mais surtout squatteur professionnel très casse-burnes.
Bref l'ensemble est assurément imparfait mais comme tout Trollope qui se respecte, par ses rebondissements, par ses personnages, par sa drôlerie, par sa causticité, "L'Ange d'Ayala" est un régal à lire.