Cela fait 80 ans que je réfléchis à tort et à travers ! On va essayer de mettre un peu d’ordre dans ce foutoir, ou au moins un peu de méthode…
Très facile !... Fallait-il être bête pour ne pas y avoir pensé plus tôt ? On va apprendre à « observer, décrire, expliquer et prédire, en limitant, autant que possible, les sources d’erreur qui nous guettent dans cet exercice » c’est-à-dire, en un mot, développer son esprit critique. Mais « Développer l’esprit critique dans notre société ne peut donc se résumer à rassembler quelque part les bonnes informations […] Un effort supérieur est requis. » Voyons voir…
Tous ces merveilleux conseils, et bien d’autres, sont développés dans l’ouvrage de Mathieu Farina et Elena Pasquinelli, “L’Art de faire confiance” paru en août 2020 chez Odile Jacob (mais rédigé AVANT notre chère COVID-19). Rappelons le sous-titre de l’ouvrage : “Pour un nouveau contrat entre la science et les citoyens”, au risque de me fâcher définitivement avec ceux et celles qui ne jurent que par la douceur poétique des “croyances”
Après avoir passé l'agrégation en biologie-géologie, Mathieu Farina a mené un Master 2 en écologie évolutive. Il a alors exercé en tant que professeur de SVT. Il a rejoint l'équipe de la Fondation La main à la pâte en 2015 et est impliqué dans la coordination du projet Esprit scientifique, Esprit critique. Dans ce cadre, il travaille également avec le réseau des Collèges Pilotes La main à la pâte.
Elena Pasquinelli est née en 1972 à Volterra (Italie). C’est une philosophe italienne, chercheuse en sciences cognitives. De 1992 à 1995, elle étudie à la faculté de médecine de Pise, où elle obtient un diplôme universitaire en physiothérapie et psychomotricité pour enfants, puis en 2000, une maîtrise en philosophie. Elle obtient ensuite un DEA en histoire des sciences et des techniques à l'EHESS à Paris. Enfin, en 2006 elle obtient un doctorat de recherche en philosophie. Elle s'attache à combattre les neuromythes. Depuis 2012 Elena Pasquinelli est membre de l'équipe de la Fondation La main à la pâte où elle s'intéresse à l'éclairage que donnent les sciences cognitives sur l'apprentissage (https://www.fondation-lamap.org/). Et, depuis janvier 2018, elle est membre du Conseil scientifique de l'Éducation nationale.


C’est parti pour un compte-rendu de plus de 4000 mots… mais pour ce prix-là, vous avez droit à quatre histoires !
Pour parvenir à une connaissance objective et fiable, digne de confiance, nous allons effectuer quatre voyages dont la trame commune est celle « d’une attitude et d’une méthode outillée », c’est-à-dire :
Une méthode pour éclairer ses intuitions, mettre ses idées à l’épreuve des faits, développer l’Art du consensus et enfin, trouver des repères pour décider. Nous appliquerons ces méthodes à quatre exemples : le retour des loups dans nos forêts, la recherche des particules à haute énergie, une question à l’interface sciences/société : celle du dérèglement climatique, et un sujet d’actualité : la méfiance qui accompagne les pratiques de vaccination.


Sur la piste des loups :
Le jeu de piste commence en Italie avec Francesca Marucco, “Madame Loup”, écologue, coordinatrice italienne entre 2013 et 2018 du projet Life WolfAlps (https://www.lifewolfalps.eu/fr/).
Dans les montagnes du Piémont italien, Francesca (et ses 600 collaborateurs) n’espère pas une rencontre directe, mais recherche des indices suffisamment précis pour être attribués au loup avec certitude et pour estimer la taille d’une population. Alors que fait-elle ? Elle cherche… des crottes ! Et que fait-on avec les crottes ? On les envoie en laboratoire pour identifier l’ADN. Ce qui permettra de savoir avec précision s’il s’agit d’un loup ou d’un chien et, s’il s’agit d’un hybride, dans quelle proportion il est proche de l’un ou de l’autre. Pour les loups, on leur attribuera un nom (matricule) et ils seront enregistrés avec le lieu et date de prélèvement, ainsi ils pourront être suivis et comptés une seule fois.
Alors, bien sûr, ces centaines d’échantillons de crottes de loups ne semblent pas très poétiques, mais ils ne laissent aucune place à la subjectivité. Ainsi on a pu établir qu’au sein des meutes de loups le taux des individus hybrides est de 8 % environ, bien en deçà des nombres avancés sur des blogs ou des sites Web qui affirment que la majorité de ces animaux sont des hybrides, cherchant une légitimité pour les chasser.
Et comment fait-on pour parvenir à estimer l’effectif total de la population ? On se base sur la rumeur ? « Encore une attaque de brebis, ils sont au moins deux mille, maintenant ! » Brrr, on voit des loups partout !
Encore une fois, chassons les croyances et appuyons-nous sur des preuves : la stratégie généralement utilisée est celle connue sous le nom de “capture-marquage-recapture”. Il ne reste plus, alors, qu’à faire parler les mathématiques (n’en déplaise aux rêveurs) et les calculs statistiques vont permettre de reconstituer la population de loups, son effectif, la proportion de mâles et de femelles, de jeunes et de vieux, etc… « Ainsi les scientifiques peuvent déclarer que la population de loups en France est établie autour de 500 individus en 2019. Le ressenti personnel n’a pas de place dans le processus. » Nous sommes loin des 2000 loups avancés par ceux qui ont à s’en plaindre.
Pour conclure, notons que de tous temps la rumeur a convoyé des idées fausses mais qu’il se peut qu’aujourd’hui, la désinformation ait pris une nouvelle forme dans le contexte des réseaux sociaux. Il est étonnant de réaliser à quel point notre confiance augment avec notre ignorance. Aussi, nous devons, être prêts, en permanence à renoncer aux idées reçues et aux croyances populaires. Pour faire preuve d’esprit critique nous devons reconnaître les sources d’informations qui s’appuient sur les meilleurs outils possibles.
Rappelons que toute prédiction intuitive peut être faussée par notre volonté de chercher un sens. De sorte qu’avant d’émettre un avis « il est nécessaire de posséder un certain nombre de connaissances sur un sujet pour savoir… tout ce que l’on ne sait pas. […] Au lieu de favoriser la modestie, le manque de connaissances produit une illusion de savoir. »


Bon. Laissons les loups hurler tout leur soûl dans la forêt, et allons voir ce qu’il se passe du côté de Monsieur Higgs et de son boson.
Le Boson de Higgs, vous connaissez ? Bien sûr, vous en prenez chaque matin une pincée dans votre café… Non ? Il porte aussi le joli nom de “Particule de Dieu” ! (Pourquoi, parce qu’elle est invisible ?) Son existence a été prédite dans les années 1960 et confirmée de manière expérimentale en 2012 grâce à l'utilisation de l’accélérateur de particules du CERN et a conduit à l'attribution du Prix Nobel de physique à François Englert et Peter Higgs en 2013. Ne me demandez pas comment, il permet d'expliquer pourquoi certaines particules ont une masse et d'autres pas. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Boson_de_Higgs).
L'existence du boson de Higgs est bien trop brève pour qu'on le détecte directement : on ne peut observer que ses produits de désintégration, ou même, les produits de désintégration de ces derniers. Après 50 années de préparations et d’efforts, les données commencent à s’accumuler. Pendant la période 2011-2012 on a enregistré l’équivalent de 7,6 milliards de « photos » d’évènements à la suite de collisions… Bon, pour faire court, si on a accumulé autant de données, c’est parce que la chance d’obtenir LE boson est infinitésimale et qu’il faut multiplier le nombre de données jusqu’à obtenir une significativité (un intervalle de confiance) de 5 sigma (un point c’est tout !).
Et donc, en juillet 2012, deux équipes différentes, travaillant sur des détecteurs différents, Atlas et CMS, confirment la fameuse « bosse à 5 sigma dans les données, à une masse de 125 gigaélectronvolts, la preuve de l’existence du boson. » Vous me suivez ?
Oui ?... Eh bien c’est dommage parce qu’aussi sensationnelle que soit cette confirmation, ce n’est pas elle qui va nous intéresser ICI.
Après la confirmation du boson, l’accélérateur de particules est arrêté deux ans pour être amélioré pour travailler à des énergies plus élevées. Une fois remis en marche. On accumule les données. Et, en 2015, « On voit que les données montrent un excès pour une hypothèse d’une nouvelle particule de masse 750 gigaélectronvolts, avec une significativité d’environ 3,5 sigma. […] Comme il ne s’agit plus de découvrir ce que tout le monde attend, comme dans le cas du boson, mais d’ouvrir la porte vers un monde nouveau, l’excitation est difficile à maîtriser. »
Alors ? Alors, on se demande si on n’a pas commis une erreur… À partir de ce moment la traque à l’erreur est ouverte au sein de l’équipe Atlas.
En psychologie cognitive, on attribue au raisonnement solitaire la propriété contre-intuitive de nous enfermer sur nos positions. Il aurait pour objectif avant tout de défendre, devant les autres, son point de vue. Il ne s’agit donc plus de chercher la vérité mais de convaincre les autres. La réflexion solitaire aurait donc tendance à renforcer le biais de confirmation. Dans une collaboration comme Atlas les idées ne sont pas perçues comme fiables, elles sont examinées avec une posture sceptique : « C’est une forme de présomption d’inexactitude : l’idée doit faire ses preuves ou disparaître. »
Alors, au cours des derniers mois l’accélérateur a si bien fonctionné que les données se sont accumulées. En combinant celles de 2015 et de 2016… il n’y a plus rien, plus aucune bosse… les données s’alignent sur le bruit de fond.
On continue à chercher : après avoir cherché une erreur pour expliquer la présence d’une bosse inattendue, on cherche pourquoi la bosse a disparue ! Mais, rien à faire, le verdict est sans appel, la science a donné une réponse définitive, même si ce n‘est pas celle que l’on voulait entendre. Le communiqué tombe : « Un excès a été observé en 2015 pour une particule qui se désintègre en deux photons. On a continué les recherches, mais, sur la base d’un grand nombre de données, l’excès n’est pas confirmé. »
Dans cette entreprise, la science a gagné : elle a permis aux scientifiques de dépasser la tentation de privilégier les indices qui favorisent leurs hypothèses et celles de rester fidèle à leurs idées.


Histoire de souffler un peu, si on parlait de la pluie et du beau temps, pour changer, ça vous dit ?
Après qu’il se soit retiré des accords de Paris, lors de sa campagne électorale, lorsque Donald Trump prenait ses électeurs à témoin, leur demandant qui croyait au réchauffement climatique : « Tu y crois toi ? Qui y croit ? Levez les mains ? » leur demandant ainsi de prendre position, d’avoir une opinionIl avait tout faux.
Si les opinions peuvent faire débat, il se trouve qu’ici, IL N’Y A REIN À CROIRE, il y a juste à comprendre les faits. On ne doit pas confondre OPINION et CONNAISSANCE.
Pour échapper aux courants de pensées et aux opinions personnelles, autant de terrains vagues nébuleux, « en 1988, les sciences du climat se dotent d’un organisme spécifiquement dédié à l’évaluation régulière, exhaustive et objective des avancées scientifiques dans la compréhension du dérèglement du climat. » Ainsi est créé le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (en consultation ouverte sur Internet), créé à l’initiative de l’Organisation météorologique mondiale et du Programme des Nations unies pour l’environnement.
https://www.ipcc.ch/languages-2/francais/
Dans le document ci-dessous (pour les curieux) on trouvera le détail des travaux en cours :
Le GIEC et le sixième cycle d'évaluation – IPCC :
https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwidhqD-xsjwAhXT8OAKHbBmBmEQFjAJegQIAhAD&url=https%3A%2F%2Fwww.ipcc.ch%2Fsite%2Fassets%2Fuploads%2F2020%2F05%2F2020-AC6_fr.pdf&usg=AOvVaw1imwePkYomqei9mrzPJ82t
Où trois groupes de travail sont à l’œuvre suivant le planning :
- Avril 2021, Contribution du Groupe de travail I. Éléments scientifiques du changement climatique.
- Septembre 2021, Contribution du Groupe de travail III. L’atténuation des changements climatiques.
- Octobre 2021, Contribution du Groupe de travail II. Incidences, adaptation et vulnérabilité.
- Mai 2022, Rapport de synthèse.
Chaque auteur écrit son chapitre avec l’aide d’autres experts. Les textes sont ensuite assemblés pour donner une première version du rapport. Puis, les éléments du rapport sont soumis à l’évaluation par les pairs. « Pour un chapitre du GIEC, on passe à 50, voire 100 relecteurs et des dizaines de pages de commentaires. » Ce sont plus de 3 000 scientifiques qui auront contribué à la rédaction du rapport.
OK, c’est bien joli, tout ça, mais que fait-on si on ne parvient pas à se mettre d’accord ?
Les échanges entre membres du GIEC reposent sur une recherche de validation de la connaissance fondée sur des preuves. Mais si malgré tout ils ne parviennent pas à se mettre d’accord sur une vision commune alors ils déclarent cette divergence de points de vue de manière explicite : « Être d’accord sur les raisons pour lesquelles il n’y a pas consensus » tel est le défi de la communauté scientifique ! Défi qui va la pousser à dépasser les connaissances actuelles.
La progression dans le domaine scientifique doit être perçu comme une multitude de parcours, il ne s’agit pas d’un avancement linéaire vers des certitudes ancrées dans le marbre, mais d’une marche vers une incertitude plus réduite.
Reconnaître que la science est faillible ne doit pas non plus nous conduire à douter de tout ce qu’elle affirme. C’est la cohérence de l’ensemble et des preuves à l’appui qui doit guider notre esprit critique.
Et le climat, dans tout ça ? Tant que nous y sommes, délaissons quelques instants le fonctionnement du raisonnement scientifique pour examiner les résultats :
Depuis le premier rapport du GIEC, le changement climatique est établi, mais entre le deuxième et le cinquième, la responsabilité des humains dans le réchauffement climatique n’est plus présentée de la même façon : en 1995 on peut lire « …la température à la surface a augmenté de 0,3 à 0,6 °C environ depuis la fin du XIXe siècle. Cette évolution n’est vraisemblablement pas d’origine naturelle. » En 2001, le constat est plus affirmé : « … la majeure partie du réchauffement observé ces cinquante dernières années est imputable aux activités humaines. » En 2013, la tendance se confirme : « L’influence de l’homme sur le système climatique est clairement établie… »


Alors, si j’ai pu vous convaincre de la fiabilité du GIEC, et du “sérieux” des méthodes scientifiques, j’espère que vous êtes vaccinés contre les “Fake news” à la Donald Trump… Pour ce dernier on peut espérer en être débarrassé… Quant à la vaccination
Mais d’où nous vient cette défiance à l’égard des vaccins que nous constatons aujourd’hui ?
Rappelez-vous ce que nous disions au début, quelque chose comme : “Moins on connaît un sujet et plus on en parle avec assurance” (le manque de connaissances produit une illusion de savoir).
Andrew Wakefield, vous connaissez ? Probablement pas. Tout comme les millions d’antivaccins qui y sont opposés par “intime conviction”. Et pourtant, sans le savoir, c’est probablement à cet escroc qu’ils doivent leur méfiance.
L’affaire Wakefield :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Andrew_Wakefield
https://fr.wikipedia.org/wiki/Brian_Deer
En 1998, les docteurs Andrew Wakefield et John Walker-Smith publient les résultats de leurs travaux dans The Lancet, prestigieuse publication internationale de médecine générale. Ils affirment en substance que 12 enfants envoyés au Royal Free Hospital, présentent des symptômes intestinaux et des troubles comportementaux de type autistique. Que les parents de 8 des 12 enfants déclarent que ces symptômes sont intervenus après une vaccination ROR (Rougeole-Oreillon-Rubéole) et que 11 enfants sur 12 présentent une inflammation intestinale (syndrome « cérébro-intestinal »).
Or, le journaliste d’investigation du Sunday Times, Brian Deer diffuse un documentaire en 2004 où il révèle qu’il existe des liens entre Wakefield et plusieurs familles d’enfants en cause, ainsi qu’avec un avocat, Richard Barr, lequel travaille pour une association antivaccin. En outre, que les données ont été manipulées : seulement 2 enfants sur 12 présentent une inflammation intestinale, certains troubles comportementaux sur deux enfants, auraient été signalés avant l’injection vaccinale, un autre cas, entre deux et six mois après la vaccination…
Pourquoi produire un faux ? C’est d’une banalité à pleurer : la collaboration avec Barr rapportera à Wakefield l’équivalent de 500 000 euros !...
« Il faudra attendre 2010 pour que l’article soit retiré par la revue et que les deux premiers signataires de l’article soient bannis de l’ordre des médecins. »
[Wiki = Quatre universitaires danois, ont analysé les dossiers médicaux de 657 461 enfants nés au Danemark entre 1999 et 2010. Selon leurs résultats, seuls 6 517 enfants ont développé des troubles du spectre autistique. Les chercheurs ont alors comparé le nombre d’enfants autistes parmi les vaccinés et les non-vaccinés, et n’ont trouvé aucune différence.]
Malheureusement, l’affaire Wakefield va laisser des traces indélébiles dans l’opinion publique.
Entre 2000 et 2004 la vaccination au Royaume-Uni s’effondre et atteint son plus bas niveau.
En 2007, la France est à deux pas d’éliminer la rougeole avec 44 cas. En 2008 des cas apparaissent auprès de familles antivaccins. Entre 2008 et 2011 on compte 22 178 cas, 4 980 hospitalisations, 10 morts…
On vaccine beaucoup moins aujourd’hui qu’il y a vingt ans ! Il s’agit « d’une véritable épidémie de méfiance. »
Parmi les 67 pays ayant participé à une étude, en 2015, la France est le pays où la confiance envers les vaccins atteint le niveau le plus bas.
La menace qui pèse actuellement dans la lutte contre les maladies infectieuses repose sur la crainte non motivée des vaccins. L’OMS considère que l’abandon des pratiques de vaccination aujourd’hui serait un désastre mondial.
Et Wakefield ? [Wiki = En 2015, Wakefield s'exile aux États-Unis, où il continue ses recherches et ses interventions sur le sujet des vaccins. Son action dans la communauté Somali du Minnesota est liée à une diminution de taux de vaccination contre la rougeole de 92 % en 2004 à 42 % en 2014, ce qui provoque en 2017 la plus grande épidémie de rougeole aux États-Unis depuis des décennies.]
Même si l’affaire Wakefield a joué un rôle majeur dans la méfiance anti-vaccinale, elle n’est pas la seule. Dans tous les pays on rencontre des résistances qui prennent des formes différentes. Aux États-Unis on craint l’association vaccins/autisme. Ailleurs la méfiance s’associe avec l’appartenance religieuse : au Nigéria on accuse le vaccin de réduire la fertilité des femmes musulmanes, au point qu’en 2013, 9 vaccinatrices ont trouvé la mort. De même au Pakistan où le vaccin antipolio est associé à la CIA.
Le désir d’appartenance à un groupe culturel avec qui il partage des idées politiques ou sociales peut amener un individu à se forger une attitude d’hésitation vaccinale ultralibérale selon laquelle, par exemple, l’État n’a pas le droit de décider à la place des parents.
Nota : Pour réduire mon propos, je m’apprêtais à supprimer ce dernier paragraphe lorsqu’il m’a été confirmé ce matin-même, 18 mai 2021, sur les ondes de France-Info, dans la bouche d’un future “petit” candidat aux Présidentielles de 2022 louant la non-vaccination au titre de la liberté individuelle, accusant le caractère obligatoire déguisé que revêt le Pass sanitaire. Sans doute espère-t-il récupérer quelques voix. Il me semble que la liberté individuelle s’arrête là où elle nuit à autrui. Dans un contexte épidémique, la non-vaccination est un danger pour autrui. Il n’y a que les chauffards sans permis qui trouvent normal de conduire sans assurance obligatoire.
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Le présent ouvrage ayant été mis sous presse AVANT la pandémie de COVID-19, qu’en est-il du vaccin AstraZeneca et des accidents de thrombose veineuse cérébrale qui lui sont imputés provoquant une réaction de défiance importante ? Impossible de passer à côté, actuellement…
Nous ferons référence à l’excellente synthèse du document paru sur le site de “L’intelligence médicale au service du soin” www.vidalfrance.com paru le 07 avril 2021 :
https://www.vidal.fr/actualites/26922-vaccin-astrazeneca-et-accidents-thromboemboliques-de-quoi-est-il-question.html
Pour l’essentiel, on retiendra :
1- Selon les données collectées par l'Agence européenne des médicaments (EMA), on recensait fin mars (2021) 44 cas dans les 30 pays de l’Espace économique européen pour 9,2 millions de doses (Soit 4,8 cas pour 1 million de vaccinations).
Pour l'EMA et l'OMS, les bénéfices du vaccin (AstraZeneca) l'emportent toujours largement à ce jour sur les risques. Cependant, la nature et la gravité des accidents ont attiré l'attention de médecins, des autorités de surveillance et du grand public. Des pays ont donc décidé de réserver le vaccin aux personnes les plus âgées dans leur population (plus de 55 ans en France), puisque les accidents n'ont pas été observés dans ces tranches d'âge.
2- Le Royaume-Uni a fait savoir le 3 avril 2021 que 30 cas de formation de caillots avaient été enregistrés pour 18,1 millions de doses administrées, dont 22 cas à localisation cérébrale et 7 mortels (Soit 1,7 cas pour 1 million de vaccinations).
Cependant, pour l'agence de régulation anglaise (MHRA) comme pour l'EMA, aucun lien de causalité n'est encore établi entre le vaccin et ces thromboses rares. Mais les agences reconnaissent que ce lien ne peut pas non plus être exclu et des investigations sont donc en cours.
3- La thrombose des sinus veineux cérébraux est une pathologie connue, certes rare, dont l'incidence annuelle chez l'adulte est évaluée entre 2 et 15,7 cas par million selon les études (incidence identique aux vaccinés).
4- La prise de contraceptifs oraux est de loin le facteur de risque le plus souvent retrouvé, présent chez 80 % des femmes atteintes de TSVC.
5- La survenue de TSVC chez quelques personnes pourrait donc n'avoir aucun lien avec une vaccination, mais certaines observations et données sèment le doute (Voir le document).
6- Ce jour, 7 avril 2021, l'EMA a fait savoir dans une conférence de presse et un communiqué qu'elle envisageait la possibilité d'un lien entre la vaccination par le vaccin AstraZeneca et de "très rares" accidents thromboemboliques associés à une thrombopénie […] Elle rappelle que les bénéfices de la vaccination continuent de l'emporter sur le risque d'effets indésirables.
7- L'OMS est sur la même position. Elle a fait savoir qu'elle considérait le lien entre le vaccin d'AstraZeneca et la survenue d'accidents thromboemboliques rares comme plausible mais non confirmé.


Au cas, très certain, où vous vous inquièteriez pour l’auteur de ces lignes, sachez qu’il attend sa deuxième injection AstraZeneca pour le mois de juin ! …
= - = - = - = 0 = - = - = - =
Revenons aux procédures scientifiques. Comment s’y prend-on pour créer un nouveau vaccin ?
Rien de plus facile, Frédéric Tangy, directeur du département de vaccinologie de l’Institut Pasteur nous explique :
“À partir de la plateforme rougeole qui contient un virus atténué, on le récupère, on le purifie et on extrait son acide ribonucléique – ARN – négatif, ce qui implique une transformation – la transcription – pour former une molécule d’ADN complémentaire, laquelle va être transférée dans une molécule d’ADN de bactérie qui se reproduit de manière autonome – plasmide – pour obtenir un grand nombre de clones de la séquence génétique initiale d’origine virale. Il ne reste plus qu’à y insérer le matériel génétique du micro-organisme pathogène contre lequel on veut développer le nouveau vaccin...”
Élémentaire, mon cher Watson !
Merci, Monsieur le directeur. Je pense qu’on va vous faire confiance pour la suite… et vous croire sur parole !
Il est heureux de nous annoncer que le vaccin contre chikungunya, qui démarre la phase 3 aura mis moins de dix ans à être développé… ce qui est très rapide ! (Plus de 50 ans pour la dengue) On comprend mieux le tour de force de la mise sur le marché des vaccins Covid-19, en 1 an seulement !...
Les vaccins sont d’abord testés sur des cellules isolées puis dans un second temps, chez l’animal, dans le but de déterminer son mode d’action et sa toxicité.
Dans un deuxième temps, si à l’issue de cette phase préclinique la balance bénéfices-risques du vaccin penche en faveur des bénéfices, des essais cliniques peuvent alors être effectués chez l’être humain. Les vaccins sont alors testés chez l’humain dans des essais cliniques en 3 phases.
• Lors de la Phase I, les vaccins sont administrés à quelques dizaines de volontaires (des jeunes adultes en bonne santé). Cette phase a pour but d’observer les éventuels effets indésirables très fréquents.
• Lors de la Phase II, qui inclut plusieurs centaines ou milliers de volontaires, on évalue de manière approfondie la sécurité des vaccins et leur capacité à créer une réponse immunitaire.
• Lors de la Phase III, les vaccins ou un produit comparatif (ou placebo) sont administrés à des milliers voire dizaines de milliers de volontaires. Ces essais à large échelle sont les seuls capables de détecter les effets indésirables rares.
• Une Phase IV est alors réalisée après la commercialisation du vaccin. En effet, il existe des systèmes permettant de surveiller la sécurité et l’efficacité de tous les vaccins.


En conclusion, force est de constater que dans le cas de la santé, nous sommes obligés de faire confiance aux sources d’information que nous décidons fiables : son médecin, un article scientifique pas toujours à notre portée… L’information est difficile à vérifier, la méfiance s’installe plus vite que la confiance. Mais parfois les peurs sont déclenchées à partir de constats très peu solides, voire de simples rumeurs qui peuvent avoir pour conséquences de nous tourner vers des solutions miracles, des méthodes « alternatives » à la science… Partir sur Internet en quête d’informations pour se forger une vision personnelle n’est pas sans danger. Notre manque de connaissances spécialisées nous place en position de nous tromper. Consciente de la grande quantité d’information auxquels sont confrontés les médecins, la communauté scientifique produit depuis 1992, un outil pour donner des repères de niveaux de preuves à l’appui des différentes pratiques médicales, il s’agit de la pyramide des preuves :
https://www.afis.org/La-qualite-de-la-preuve-en-medecine
Laquelle reconnait différentes catégories de preuves, comme la simple étude de quelques cas cliniques, le teste expérimental ou la méta-analyse. « Ce type d’outil témoigne d’une volonté de donner des repères de lecture clairs pour accompagner l’évaluation de la confiance qu’il est légitime d’accorder à une intervention. »


Si vous êtes parvenus jusque-là, dans la lecture de ce compte-rendu, alors, nous avons fait ensemble un long chemin sur les voies de l’attitude scientifique.


Avec les loups, nous avons fui la rumeur pour nous appuyer sur des preuves réelles, chiffées et des méthodes rationnelles et incontestables qui ne laissent aucune place à la subjectivité. Au CERN, la quête de la particule “fantôme” nous a appris qu’en science, même un résultat négatif est aussi important qu’une découverte car il permet d’orienter les recherches à venir, d’éliminer des hypothèses plutôt que de s’acharner sur des voies mortes. Que pour éviter certaines tendances fortes de l’être humain, notamment le biais de confirmation, les informations doivent être soumises à l’évaluation par les pairs, pour plus de fiabilité, et que si, comme dans le domaine médical nous sommes obligés de faire confiance aux sources d’informations que nous décidons fiables, nous pouvons nous référer à des outils tels la pyramide des preuves pour donner des repères de niveaux de preuves sans se laisser envahir par l’émotion et les témoignages (qui ne sont pas preuves).
Redoutons de nous laisser influencer par la rumeur, la foule est génératrice de panique, une épidémie aux conséquences désastreuses dont le seul remède est un vaccin nommé “esprit critique”.
Reconnaître que la science est faillible ne doit pas non plus nous conduire à douter de tout ce qu’elle affirme. C’est la cohérence de l’ensemble et des preuves à l’appui qui doit guider notre esprit critique.
Enfin souvenons-nous qu’avant d’émettre un avis il est nécessaire de posséder un certain nombre de connaissances sur un sujet pour comprendre tout ce que l’on ne sait pas car le manque de connaissances produit une illusion de savoir.

Philou33
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le 19 mai 2021

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