Mères perdues
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L'illustre Georges Neveux, scénariste au long cours tant au théâtre qu'au cinéma ou à la télévision, nous propose ici, dans le cadre sulfureux du Grand-Guignol, une de ces pièces décadentes qui met en scène une femme effrayante, associant la mort, la jouissance et le voyeurisme.
Pour donner un peu de sens (?) aux phénomènes peu rationnels qui ont lieu dans la pièce, les auteurs placent les personnages dans un contexte oriental, indien, plus précisément. Djana, femme lubrique et sadique, manipulatrice et exhibitionniste, hypnotise son mari jusqu'à le paralyser complètement ,afin qu'il assiste à ses ébats avec son amant, ce qui procure à Djana un sommet de plaisir.
L'hypnotisme, assez nouveau à l'époque dans les cercles psychiatriques, et les numéros de music-hall, était encore assez mal connu pour que l'on pût chercher à tromper le public en lui faisant croire qu'on pouvait paralyser totalement quelqu'un tout en le laissant conscient. D'ailleurs, les médecins présentés dans la pièce ne prennent pas eux-mêmes au sérieux leurs explications "scientifiques". Visiblement soucieux d'argumenter, les auteurs ont renforcé la crédibilité de cette situation irrationnelle en faisant de Djana une sorte de sorcière détenant les inquiétants secrets magiques d'un Orient fantasmé. La fin de la pièce se révèle encore plus irrationnel, ce qui permet de donner lieu à du véritable "Grand-Guignol".
D'un autre côté, on reste dans le portrait vénéneux de la femme lointaine, cynique, calculatrice, cruelle et décadente de la littérature fin-de-siècle, ces nudités au coeur glacé mais aux sens incandescents (suggérant leur origine infernale) qui broient les hommes, les asservissent à leur désir et à leur libido criante. Dès Baudelaire, on a des portraits de ces créatures redoutables, élaborées sur fond de civilisation industrielle : l'homme, tout saisi par les frénésies et le cynisme de cette société d'exploitation coupée de la nature, a rompu les liens avec sa propre féminité, ce qui le pousse à faire de la femme une sorte d'entité démoniaque sur laquelle il projette ses propres vices.
Dans le répertoire du "Grand-Guignol", cette pièce ne sera pas la seule à associer la volupté érotique, le sadisme, le voyeurisme et la mort. Après tout, le spectateur bourgeois moyen qui venait dans ce théâtre devait apprécier cette séance de psychanalyse, où ses propres ténèbres lui étaient révélées...
Créée
le 15 déc. 2016
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